Avec Art en Thèmes découvrez Costakis et l’Avant-garde russe au musée Maillol
« C’est ma collection qui m’a fait ».disait Costakis. Mais lui seul avait su rassembler ce qui était honni, banni. Lui seul avait recueilli les plus radicales expérimentations artistiques précédant les révolutions de 1917, celles que le joug soviétique avait étouffées dès 1922. Lui seul avait arraché à l’oubli un art prophétique...
Un roman russe.
Un roman russe né au pays du « Docteur Jivago » mythique saga de Boris Pasternak. Le collectionneur Georges Costakis (1913-1990), modeste rejeton d’un commerçant grec établi en Russie depuis le début du siècle, vivait à Moscou. Il ne tarda pas à devenir chauffeur de l’ambassade de Grèce jusqu’en 1939 lorsque toutes relations furent rompues entre La Grèce et la Russie. Il devint peu après (en1946), chauffeur de l’ambassade du Canada, escortant visiteurs de marque et diplomates dans leurs courses à travers magasins d’antiquités et galeries d’art. Curieux destin qui fait écho quelques décennies plus tard à celui des aristocrates fuyant la révolution russe de 1917, grands ducs, princes, transformés à Paris en chauffeurs de taxis. Les plus chics que la capitale aie jamais connus.
L’ obscur fonctionnaire
Costakis, l’obscur fonctionnaire sans aucune formation artistique regarde, observe, apprend. Il achète des icônes, vestiges malheureux de « l’opium du peuple » qui lui rappellent son enfance.
Puis il se prend de passion pour une toile d’Olga Rozanova. Il y découvre une lumière nouvelle, l’énergie d’un monde en marche : l’avant-garde russe. Il est capable de discerner le lien entre les icones et le suprématisme « Regardez, ce saint se tient sur un carré suprématiste ».
Avant Garde
Avant-garde, deux mots issus du vocabulaire politique marxiste empruntant lui-même au jargon militaire. L’avant-garde refuse la tradition du passé qui sclérose l’énergie humaine, l’arrête dans son élan constructeur. Un maître mot : « créer » opposé à «répéter ». La première avant-garde russe se dresse dès 1907 contre le naturalisme et les rêveries symbolistes. Le premier Cubisme avait d’ailleurs influencé les artistes russes avant 1910. Après cette date, les russes opèrent une synthèse originale entre le cubisme parisien, le futurisme italien l’ensemble reposant sur une structure primitiviste.
Les éléments du cubisme analytique parisien sont perceptibles dès 1913 chez Kasimir Malevitch, Lioubov Popova…
Carré noir sur fond blanc
Malevitch pousse l’abstraction à son comble avec « carré noir sur fond blanc » un témoignage radical de l’éclipse totale des objets. Un art qui nourrira l’après guerre aux Etats unis inspirant Barnett Newman,Mark Rothko. Aux côtés de Malevitch pour cette mission de réduire la peinture au degré zéro de la représentation figurative, se trouve Ivan Klioune qui joue avec le graphisme et la couleur une fois assimilées toutes les cultures picturales dominantes.
Sauver de l’oubli les œuvres de l’avant-garde russe
Costakis se passionne pour cette extraordinaire période d’expérimentation des débuts du XX° siècle. En 1947, lorsqu’il commence sa collection, les œuvres d’avant-garde nées de la révolution ne sont plus exposées dans les musées. Leur cote est très basse, si bien que Costakis dont les moyens sont très faibles peut en faire l’acquisition. Durant 30 ans il accumule dans son petit appartement moscovite 1277 peintures, dessins, aquarelles, constructions, porcelaines des plus grands artistes : Malévitch, Popova, Tatline, Rodtchenko, Klioune, Kloutsis, Nikritine, Filonov…La place manque tant qu’il accroche une composition de Popova au plafond. Il y accueille un assemblage hétéroclite de visiteurs : diplomates étrangers, artistes, écrivains, peintres qui se réunissent pour célébrer l’arrivée de nouvelles toiles lors de grandes fêtes où l’on chante. Dans son livre d’or ont signé : Marc Chagall, Henri Cartier Bresson, Andrei Wajda, David Rockfeller…
Destins croisés
Etrange clin d’œil du destin : Costakis, le « Grec » comme le surnommaient les autres collectionneurs acquiert plusieurs œuvres de Salomon Nikritine, élève du peintre Léonid Pasternak, père du romancier Boris Pasternak. Dans « L’adieu aux morts » de Nikritine des femmes éplorées ont l’air de surgir d’icônes, ces icônes que patiemment Costakis avait tirées de leur purgatoire. « La femme buvant » jaillit, à la fois massive et sculpturale, saisissante dans la sobriété de ses tons de bruns, dans l’économie des objets représentés : un coin de table, une assiette, une bouteille renversée…Chez Nikritine qui rêvait de réunir les idées du marxisme et du bouddhisme, l’émotionnel prenait toujours le pas sur le spéculatif.
L’avant-garde russe n’avait été perçue en France qu’à travers quelques artistes russes émigrés en France et occidentalisés comme Chagall, Delaunay, Poliakoff. Pourtant elle avait préludé au Bauhaus allemand, au néo plasticisme néerlandais ouvrant la voie à des artistes majeurs tels que Theo Van Doesburg, Piet Mondrian.
A suivre...
Un roman russe né au pays du « Docteur Jivago » mythique saga de Boris Pasternak. Le collectionneur Georges Costakis (1913-1990), modeste rejeton d’un commerçant grec établi en Russie depuis le début du siècle, vivait à Moscou. Il ne tarda pas à devenir chauffeur de l’ambassade de Grèce jusqu’en 1939 lorsque toutes relations furent rompues entre La Grèce et la Russie. Il devint peu après (en1946), chauffeur de l’ambassade du Canada, escortant visiteurs de marque et diplomates dans leurs courses à travers magasins d’antiquités et galeries d’art. Curieux destin qui fait écho quelques décennies plus tard à celui des aristocrates fuyant la révolution russe de 1917, grands ducs, princes, transformés à Paris en chauffeurs de taxis. Les plus chics que la capitale aie jamais connus.
L’ obscur fonctionnaire
Costakis, l’obscur fonctionnaire sans aucune formation artistique regarde, observe, apprend. Il achète des icônes, vestiges malheureux de « l’opium du peuple » qui lui rappellent son enfance.
Puis il se prend de passion pour une toile d’Olga Rozanova. Il y découvre une lumière nouvelle, l’énergie d’un monde en marche : l’avant-garde russe. Il est capable de discerner le lien entre les icones et le suprématisme « Regardez, ce saint se tient sur un carré suprématiste ».
Avant Garde
Avant-garde, deux mots issus du vocabulaire politique marxiste empruntant lui-même au jargon militaire. L’avant-garde refuse la tradition du passé qui sclérose l’énergie humaine, l’arrête dans son élan constructeur. Un maître mot : « créer » opposé à «répéter ». La première avant-garde russe se dresse dès 1907 contre le naturalisme et les rêveries symbolistes. Le premier Cubisme avait d’ailleurs influencé les artistes russes avant 1910. Après cette date, les russes opèrent une synthèse originale entre le cubisme parisien, le futurisme italien l’ensemble reposant sur une structure primitiviste.
Les éléments du cubisme analytique parisien sont perceptibles dès 1913 chez Kasimir Malevitch, Lioubov Popova…
Carré noir sur fond blanc
Malevitch pousse l’abstraction à son comble avec « carré noir sur fond blanc » un témoignage radical de l’éclipse totale des objets. Un art qui nourrira l’après guerre aux Etats unis inspirant Barnett Newman,Mark Rothko. Aux côtés de Malevitch pour cette mission de réduire la peinture au degré zéro de la représentation figurative, se trouve Ivan Klioune qui joue avec le graphisme et la couleur une fois assimilées toutes les cultures picturales dominantes.
Sauver de l’oubli les œuvres de l’avant-garde russe
Costakis se passionne pour cette extraordinaire période d’expérimentation des débuts du XX° siècle. En 1947, lorsqu’il commence sa collection, les œuvres d’avant-garde nées de la révolution ne sont plus exposées dans les musées. Leur cote est très basse, si bien que Costakis dont les moyens sont très faibles peut en faire l’acquisition. Durant 30 ans il accumule dans son petit appartement moscovite 1277 peintures, dessins, aquarelles, constructions, porcelaines des plus grands artistes : Malévitch, Popova, Tatline, Rodtchenko, Klioune, Kloutsis, Nikritine, Filonov…La place manque tant qu’il accroche une composition de Popova au plafond. Il y accueille un assemblage hétéroclite de visiteurs : diplomates étrangers, artistes, écrivains, peintres qui se réunissent pour célébrer l’arrivée de nouvelles toiles lors de grandes fêtes où l’on chante. Dans son livre d’or ont signé : Marc Chagall, Henri Cartier Bresson, Andrei Wajda, David Rockfeller…
Destins croisés
Etrange clin d’œil du destin : Costakis, le « Grec » comme le surnommaient les autres collectionneurs acquiert plusieurs œuvres de Salomon Nikritine, élève du peintre Léonid Pasternak, père du romancier Boris Pasternak. Dans « L’adieu aux morts » de Nikritine des femmes éplorées ont l’air de surgir d’icônes, ces icônes que patiemment Costakis avait tirées de leur purgatoire. « La femme buvant » jaillit, à la fois massive et sculpturale, saisissante dans la sobriété de ses tons de bruns, dans l’économie des objets représentés : un coin de table, une assiette, une bouteille renversée…Chez Nikritine qui rêvait de réunir les idées du marxisme et du bouddhisme, l’émotionnel prenait toujours le pas sur le spéculatif.
L’avant-garde russe n’avait été perçue en France qu’à travers quelques artistes russes émigrés en France et occidentalisés comme Chagall, Delaunay, Poliakoff. Pourtant elle avait préludé au Bauhaus allemand, au néo plasticisme néerlandais ouvrant la voie à des artistes majeurs tels que Theo Van Doesburg, Piet Mondrian.
A suivre...
Janvier 2009
Par Damienne Schilton