Culture

L’île de Minorque a longtemps été un secret bien gardé mais sous le regard visionnaire de Laurent Morel-Ruymen, elle devient un théâtre d’émotions pures et un territoire réinventé, sublimé. À la croisée de l’intuition artistique et d’une ambition assumée, le fondateur du groupe Mare e Terra érige des hôtels sophistiqués à haute sensibilité et où chaque pierre raconte une légende méditerranéenne.

Au cœur de la Méditerranée, sur cette île qui semble avoir résisté à toutes les frénésies modernes, Laurent Morel-Ruymen, l’architecte d’un mythe minorquin, sculpte des merveilles d’architecture avec une élégance introspective et une vision mythologique assumée. Il compose des manifestes de beauté et de luxe essentiel dans lesquels la signature est gravée par un art de vivre, une esthétique et une poésie de la nature.

Avec Cap Menorca, son dernier chef-d’œuvre, le fondateur du groupe Mare e Terra n’ouvre pas une adresse de plus à Minorque, il affirme une lecture d’un luxe débarrassé du superflu, en dialogue direct avec la terre, la végétation et les embruns. Un luxe qui, sous la main de Laurent Morel-Ruymen, se fait territoire.

Cap Menorca, l’illusion d’un lieu éternel

Il faut un œil presque divin pour voir, derrière une friche militaire désaffectée, un futur joyau de l’hôtellerie contemporaine. Dix ans d’allers-retours administratifs, deux années de métamorphose botanique et architecturale, 24 000 plantations autochtones plus tard et Cap Menorca surgit de la falaise comme s’il avait toujours été là. Il n’est pas un ajout à Minorque, il en est une illustration.

Les quinze suites, aux allures épurées, pour un ermitage chic, prolongent la topographie du domaine en s’y imbriquant. L’œil d’un esthète s’y lit dans le moindre détail, murs de Mares chaulés, ferronneries vert carrosse, tomettes ciselées à la main, matières minérales… Tout ici semble humblement composé pour laisser la lumière méditerranéenne faire le reste avec un théâtre d’ombres, de matières nobles et de parfums naturels.

En attendant le spa, la richesse de la végétation est propice à un programme holistique avec la mer en toile de fond qui devient un bain infini et le ciel, le plafond du rêve. Le véritable génie de Cap Menorca ne réside pas que dans sa sophistication mais également dans sa capacité à faire croire qu’il n’y a pas eu de main humaine, or il y a, en réalité, une main et une seule, celle de Laurent Morel-Ruymen.

Faustino Gran, le coup d’éclat dans le patrimoine de la ville de Ciutadella

Il faut revenir quelques années en arrière pour comprendre la trajectoire du fondateur de Mare e Terra. En 2014, il dévoile Faustino Gran à Ciutadella, dans un trio de palais du XVIIe siècle transformé en sanctuaire de raffinement urbain. Là encore, tout repose sur un savant dosage entre rigueur patrimoniale et insoumission créative. Le passé est restauré mais jamais momifié. Les patios sont réhabilités et non pas reconstitués. Les pierres anciennes et les impressionnants volumes préservés créent une atmosphère empreinte de noblesse ancienne.

Faustino Gran est bien plus qu’un hôtel, c’est un tableau vivant. Un tableau que Laurent Morel-Ruymen a peint avec la patience d’un moine et l’orgueil d’un maître. Ces lieux réunis et devenus mythiques se distinguent par leur capacité à faire dialoguer le passé et le présent pour se loger dans une conversation murmurée baignée d’une lumière dorée du matin sur les voûtes ou d’un verre de vin local dans un coin secret au moment du sunset…

L’art du territoire, le génie de l’être

Il y a chez Laurent Morel-Ruymen une dimension presque cartographique. Il ne choisit pas des lieux pour y poser des murs, il les lit, les ausculte, les traverse puis les fait vivre. Cap Menorca et Faustino Gran sont les deux versants d’une même obsession, celle de sculpter un territoire, non en bâtisseur mais en alchimiste. L’homme navigue comme il construit, avec une précision d’orfèvre et l’insolence du capitaine. Il a trouvé dans Minorque son archipel personnel et son laboratoire idéal. Il a mis toute sa générosité au service de l’hospitalité de l’île et pourrait en être le souverain silencieux. Il ne se contente pas de construire des lieux, il révèle des territoires méconnus, des atmosphères et des sensations profondes qui ne restent pas invisibles.

Un luxe poétique entre terre et mer

A travers l’architecture et les paysages, la force de Mare e Terra, n’est jamais de penser l’hôtellerie comme un produit mais comme une relation entre l’homme et l’espace, entre la matière et la mémoire. Une journée passée à Cap Menorca commence par un petit-déjeuner au milieu des citronniers et se poursuit au large. Le groupe Mare e Terra propose des excursions à bord de trois bateaux d’exception dont Ciutadella, un yacht classique des années 1960 au charme d’époque. On embarque pour une navigation vers des criques secrètes, pour des baignades au coucher de soleil, pour des lectures sur le pont… Ces moments prolongent le séjour à terre dans un même esprit de raffinement avec des promenades à cheval sur des sentiers millénaires et s’achèvent au bar dominant la mer, un verre à la main, dans le silence exact que l’on espérait sans le formuler. Ce qu’offre son fondateur, ce n’est pas un séjour, c’est un idéal, une promesse d’élégance paysagère et un fantasme d’harmonie retrouvée. Chaque détail de ses lieux est une preuve d’amour pour cette terre qu’il magnifie sans jamais la trahir.

Un empire à taille humaine

Dans un monde saturé d’images, d’expériences factices et de promesses creuses, Mare e Terra trace une ligne exigeante, éthique et presque spirituelle dans un élan sensuel et souverain. Laurent Morel-Ruymen, oriente, également, une réponse à travers le bruissement d’un palmier sous le vent, le galop d’un cheval au crépuscule, la douceur d’une pierre chauffée par le soleil, un bain dans la piscine privée de sa suite…

Dans un luxe non ostentatoire et dans cette certitude discrète, ici, tout a été pensé, voulu, et surtout, tout est à sa place. Une place rare, somptueuse et jamais tapageuse. Une place qui ne se revendique pas mais qui s’impose à l’esprit comme une évidence. À Cap Menorca comme à Faustino Gran, chaque élément dialogue harmonieusement avec le suivant. Les œuvres d’art s’intègrent au silence sans le briser. Rien n’est décoratif, tout est narratif et tout participe à une mise en scène subtile, magistralement orchestrée.

Cet équilibre absolu donne à ces lieux une dimension singulière où chaque volume respire où chaque parfum évoque un souvenir enfoui. Et c’est là, précisément, la marque de Laurent Morel-Ruymen, qui a cette capacité à créer des espaces qui ne cherchent pas à briller mais à s’accorder. Des lieux qui ne crient pas leur valeur mais l’infusent dans les gestes, les matières, l’air et ce, dans une forme de luxe philosophique qui est celui de la justesse.

À Cap Menorca comme à Faustino Gran, l’île de Minorque ne s’habite pas, elle se vénère et ces deux adresses sont des fragments d’éternité.

Karim Larbi