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Un amour du thé : Petit traité pour mieux apprécier un salon de thé

Il y a des amours d'été, ils sont éphémères. Il y a un amour du thé, il est intemporel.
Le thé en France, c'est Gilles Brochard. A l'occasion de la sortie du livre de notre collaborateur, "Le Thé", aux éditions Tana, nous proposons à nos lecteurs ce petit traité illustré par des images sorties de sa ravissante "Boîte à Thé" des mêmes éditions. Bonne infusion...
Vous avez choisi le salon de thé de vos rêves... ou presque, n'exagérons rien.
Mais comment faut-il s'y prendre, à Paris comme en province, pour bien juger le lieu et bien comprendre ce qui s'y passe.
Rituel, usage, conseils, vous saurez tout sur ces petits lieux souvent secrets à l'ambiance tamisée qui de plus en plus apparaissent comme d'agréables respirations entre deux courses.

Réservez votre venue
Si, au moment où vous prenez la peine de téléphoner au salon de thé où vous souhaitez vous rendre pour le déjeuner, votre interlocuteur vous répond qu'il ne prend pas de réservation, soyez certain que l'établissement n'a pas bonne presse. Car un bon salon de thé est un salon de thé rempli de clients. Et pour cela, il est généralement conseillé de réserver, par mesure de prudence quand il y a affluence.

Repérez bien le classement des thés
Si la carte propose plus de "thés parfumés" que de "thés classiques", c'est qu'il y a un réel déséquilibre. Méfiez-vous, vous n'êtes sans doute pas en terrain de connaisseurs.
On trouve de plus en plus de "blends", des mélanges maison qui associent des origines différentes (Assam, Darjeeling, Ceylan, Kenya).

Dénichez les grands jardins
Un bon salon de thé suggère des jardins de l'année pour des thés racés comme le Darjeeling, voire même le Ceylan et certains thés de Chine. Repérez-les et commandez de préférence celui qui porte un nom de jardin. Les fournisseurs ont pour devoir de proposer aux comptoirs comme aux salons de thé les récoltes de l'année. Tentez de savoir quelles sont la maisons qui procurent ces thés ; les plus répandues ont pour nom "Cannon", "Dammann", "Mariage frères", "Le Palais des Thés", "Olivier", "Comptoir Français du Thé", "Thés de Chine".

Prenez l'exemple du Darjeeling
À Darjeeling, deux grandes récoltes se partagent le marché français : les first flushs et les second flushs. Donc, en fonction des arrivages, il est normal de trouver de nouveaux jardins sélectionnés parmi les quatre-vingt-cinq environ qui composent le district de Darjeeling, au nord-est de l'Inde. Ainsi, regardez bien la carte et si vous lisez "Darjeeling GFOP", sans mention du nom du jardin et sans mention de la récolte, vous êtes certain que ce thé est un  "blend", donc un mélange de plusieurs lots, de première ou de deuxième récolte. Méfiez-vous des jardins qui précisent une année vieille de plus d'un an (Exemple : Maikaibari First flush 98).

Exigez de voir les feuilles
Sèches et mouillées, les feuilles de thé livrent d'elles-mêmes leurs informations et leurs secrets. Dans le cas où les feuilles sont retirées en cuisine, généralement vous ne pouvez pas les voir. Et il est rare aussi qu'on vous montre aussi les feuilles sèches. N'hésitez pas à demander qu'on vous les apporte, pour les sentir, les observer, les toucher. Une fois infusées les feuilles s'expriment davantage dans leur forme ; on peut dire qu'elles s'épanouissent en s'ouvrant. Observer une feuille sèche de Tie Kuan Yin, par exemple, puis la même chauffée, gonflée, ouverte, étirée dans sa longueur et sa largeur, triplée ou quadruplée de volume, c'est comprendre pourquoi les Chinois la comparent à un dragon qui déploie ses ailes.

Débusquez les fautes d'orthographes
Combien de fois, en lisant une carte, j'ai signalé en toute amitié telle ou telle erreur dans l'orthographe d'un nom de thé ou de jardin. Huit fois sur dix, on me regarde de haut, en me répondant que "l'on vérifiera". Certains me disent aussi qu'ils ne sont pas responsables ou mettent leur erreur sur le compte de l'ordinateur. En réalité, ce manque d'attention dans l'écriture, la frappe ou la relecture, trahit un manque sérieux de connaissance en matière de thé. Cela n'est jamais rédhibitoire, aussi prenez des précautions si vous signalez une erreur à l'intéressé. Les thés les plus mal orthographiés sont : Darjeeling ("Daryeeling"), Yunnan (" Yunnam"), Gunpowder ("Gun Podwer"). Sans parler de Cardamome ("cardamone").
Quant à l'expression "Thés d'inde", elle est très souvent encore notée : "Thé des Indes", alors que ce pays n'est plus une colonie britannique depuis 1947 !

Vous a t-on donné la bonne théière ?
En cuisine, on veille généralement à ne pas servir un "thé classique" dans la même théière qu'un "thé parfumé". Malheureusement, grands et petits salons de thé sombrent trop facilement dans une négligence qui peut coûter la vie à un excellent thé que l'on s'apprête avec régal à déguster. Pensez : boire un Puits du Dragon ou un Gyokuro dans une théière en porcelaine qui aura servi précédemment à l'infusion d'un Lapsang souchong, relève du délit.
Vous le faites remarquer au serveur et s'il joue l'étonné, alors mettez cette négligence sur le compte de la préméditation. C'est un crime qui peut coûter très cher. Pour la réputation de l'établissement et pour le client qui est contrarié et furieux. Mais parfois, de bonnes surprises vous ravissent : certains établissements veillent à réserver une gamme de théière adaptée à une catégorie de thés (porcelaine pour les thés noirs d'Inde et de Ceylan, terre cuite pour les thés sombres de Chine, etc.).

Repérez la bouilloire
Point crucial sur lequel on ne devrait pas transiger : l'ustensile dans lequel on fait chauffer l'eau. Il est le meilleur baromètre pour juger la qualité d'un salon de thé. Il n'y a que deux instruments qui soient acceptables : la bonne vieille casserole posée sur le feu et la bouilloire électrique (de préférence se stabilisant à 85/90°. Si, si, il en existe, cherchez bien !), de préférence sans résistance à l'intérieur de l'habitacle.
À bannir absolument, le percolateur. Rien qu'à son bruit insoutenable, vous repérerez sa présence. Certains, pour des raisons pratiques stockent l'eau en plus grande quantité dans des thermos, à la chinoise, pour éviter de la chauffer au fur et à mesure.

Soyez vigilant avec l'eau
De deux choses l'une : ou le salon de thé est signataire de la Charte Européenne des Buveurs de Thé, ou il ne l'est pas. Méfiance. Si oui, alors vous avez de la chance et normalement, vous devez boire un thé infusé dans une eau "potable" ; je veux dire une eau qui justement ne soit pas de l'eau uniquement "potable", sortant du robinet de la cuisine, calcaire et javellisée, mais adoucie, filtrée, débarrassée sans excès de toute scorie, avec un PH neutre, et sans plomb, qui risque d'être cancérigène (avalé, il est stocké dans l'organisme).
N'hésitez pas à interroger la maîtresse de maison sur la nature de l'eau du thé. Comme il ne faut s'étonner de rien, l'une d'entre elles m'a avoué un jour avec aplomb qu'elle lavait tous les soirs, après le service, les boules à thé avec de la javel. "Pour des raisons d'hygiène, vous comprenez", renchérit-elle avec aplomb, en guise d'explication.

Méfiez-vous des trop grandes températures de l'eau
Autre crime parfait : celui commis envers la température de l'eau. Je sais bien que parfois il est difficile de s'y retrouver dans la pléthore de conseils que nous ne cessons de donner aux consommateurs. Mais le bon sens devrait l'emporter, surtout chez des personnes dont c'est la profession d'informer et de servir. Ainsi, trop souvent, on nous sert dans les salons de thé des thés verts, le plus souvent japonais, préparés dans une eau dont la montée en température est trop excessive. Les saveurs sont alors diminuées de moitié.
Où se niche le plaisir dans la dégustation si l'on se brûle la lèvre et la langue avant même de boire ? Rien de plus navrant, de plus révoltant que de surprendre le bruit d'une bouilloire en pleine ébullition. Règle numéro un : une eau qui bout (dès 96°) est une eau qui a perdu son oxygène, pourtant nécessaire aux feuilles. Et que dire des feuilles plus fragiles ? Comme si les belles feuilles d'un Matcha ou d'un Gyokuro pouvaient se laisser maltraiter ainsi ! Ne pas chauffer une eau à plus de 60 à 70° est une des règles majeures pour les thés verts. Pousser jusqu'à 90° la plupart des thés noirs et les wulong, nous sommes d'accord. Pourquoi d'ailleurs ne pas le préciser avant qu'on vous le prépare ? Surtout si vous venez d'entendre le bruit strident d'un percolateur qui se prend pour une locomotive.
Sachez écouter la "musique d'eau". Dans son joli roman, Opium (Albin Michel), Maxence Firmine compare l'art du thé à "une musique d'eau". Robert Stowe, importateur anglais, a su transmettre sa passion du thé à son fils, Charles, qui n'aura qu'un rêve : partir en Chine découvrir la voie du thé : "Réfléchis bien et écoute, lui dit-il. D'abord il y a la musique de la pluie sur les feuilles des théiers, ce léger tremblement comme un tambour de lumière verte frappé par les baguettes d'argent du ciel. Puis il y a la musique de la récolte, accompagnée par la danse des voiles des cueilleuses. Ensuite, il y a la musique d'une source aussi fraîche et pure que possible. Enfin, la musique de l'eau chaude qu'on verse lentement sur les feuilles de thé."

Cuiller, sucre et lait : flairez les mauvais conseils
Si les salons de thé dignes de ce nom se sont débarrassés des sempiternelles rondelles de citron que des serveuses automates proposaient avec un supplément à des grands-mères qui se seraient fait couper un doigt plutôt que de changer leurs mauvaises habitudes, reste le problème du lait.
On trouve encore dans certaines cartes parisiennes et provinciales, pour certains thés, la mention : "supporte un peu de lait". D'où l'habitude de servir la tasse et la sous-tasse accompagnées d'une cuiller. Fatal objet qui encourage le vice. D'ailleurs, comment expliquer aux buveurs de thé néophytes et même à certains connaisseurs (qui frôlent la pédanterie) qu'il
vaut mieux goûter le parfum d'un thé classique nature avant d'y ajouter quoique ce soit ? De surcroît, on ajoute aussi qu'il en va de même avec le parfum d'un thé parfumé qui, comme son nom le laisse supposer, sera de toute façon sucré puisque sur les feuilles de thé noir ou vert a été ajoutée de l'huile essentielle.

Soulevez les morceaux de salade
Les salons de thé sont de grands consommateurs de salades : verte, composée, fermière, provençale, auvergnate, berrichonne, périgourdine, italienne, russe, etc. Suivant les instructions de sa patronne, le cuisinier s'en donne à coeur joie et camoufle l'assiette avec de grandes feuilles de batavia, de scarole, de frisée. Je pose une simple question : quel plaisir cela provoque-t-il de voir une assemblée de mangeurs de salade en train d'ouvrir la bouche d'un mouvement acrobatique digne des plus grands contorsionnistes ? Comme la bonne éducation stipule qu'on "ne coupe pas sa salade avec son couteau", il faudrait bien qu'un jour, messieurs les commis et messieurs les cuisiniers, vous le fassiez pour nous, mais avant d'envoyer les assiettes en salle. Sans oublier la vinaigrette, la vraie, avec de l'huile d'olive, du citron (ou du vinaigre), de la moutarde, du poivre et du sel, et non ces quelques gouttes trop timides pour êtres honnêtes !

Prenez le plat du jour
Comme dans les bistrots, succombez à la tentation du "plat du jour", vous serez presque certain de faire le bon choix. Au moins, l'assiette que l'on vous servira sera t-elle vraiment du jour. Alors que pour le reste, vous n'en êtes pas certain. Après tout, la tarte est peut-être de la veille. Bien réchauffée au four aux micro-ondes, la maîtresse de maison pense qu'elle passera comme une tarte du jour, méfiez-vous.

Osez : Allez faire un tour aux toilettes
Comme dans un restaurant, allez toujours vous laver les mains aux toilettes. D'abord, parce que cela détendra votre corps que vous venez d'asseoir pendant plus d'une heure. Ensuite, car cette petite escapade vous sera, on ne sait jamais, fort utile. Vous continuerez l'exploration commencée dès votre arrivée. Un exemple ? Un jour, dans une grande ville de Bretagne, je me trompai de porte et atterris dans la cuisine. Je surpris alors un grand lave-vaisselle ouvert dans lequel je vis une dizaine de théières en porcelaine bien rangée, prêtes à être nettoyées comme si l'on avait voulu qu'elles redeviennent neuves. Le dégoût commença alors à me tarauder.
Parfois, vous avez la chance d'être vraiment surpris agréablement. A Bordeaux, Christelle Keramidas a eu la bonne idée d'afficher dans les toilettes de l'étage sept cadres qui déclinent chacun le fameux poème de Lu Tang, de la première à la dernière tasse. Une invitation, en quelque sorte, pour profitez de ce petit moment intime pour l'apprendre par coeur.

Faites changer la musique
Il m'est arrivé de mettre les pieds dans un joli salon de thé où presque tous les ingrédients étaient réunis pour y passer une heure délicieuse avec une personne adorable. Ne manquaient que les violons et le feu dans la cheminée. Le seul détail qui clochait était le bruit. Un bruit assourdissant. Une musique qui n'en avait que le nom. Celui qui recevait avait confondu le  "Queen" avec son salon de thé. La "House" n'a jamais fait bon ménage avec un Darjeeling de première récolte. Quoique mon ami Thag l'explorateur a dégusté un jour un thé avec un moine tibétain en lui faisant découvrir The Wall, des Pink Floyd !
Moralité : osez demander une autre musique; souriez et demandez s'il serait possible de baisser un peu le son. Ou alors, en désespoir de cause : choisissez un thé en fonction de la couleur musicale, ce qui est plus difficile et plus aventureux.

Récapitulons
Ayez toujours à l'esprit les quelques éléments qui vous aideront à mieux comprendre où vous êtes tombé ; si le salon de thé est un guet-apens, un petit trésor ou une passade. Le décor (pas de chichis), la carte des thés (plus de classiques que de fantaisies), la théière (la matière), l'infusion (chaussette ou pas chaussette), la température de l'eau (frémissante), le salé/sucré (plus chic que toc), la musique (douce, forcément douce).


Radioscopie des thés les plus consommés


Assam
Les plantations d'Assam, les premières au monde pour leur superficie cultivées, se situent au Nord-Est de l'Inde, sur les rives du Brahmapoutre. On dit souvent qu'un "soleil féroce" brille toute l'année sur certaines zones. Une première récolte est faite entre avril et la mi-mai et une deuxième entre fin mai et juin. Riche en minéraux, équilibré en bourgeons, assez théiné, ce thé donne une infusion de couleur caramel tirant vers l'orange sanguine. Ses parfums bien structurés et musclés font penser au chêne et à certains épices. Les deux jardins les plus fameux pour leurs récoltes d'été sont ceux de Towra et de Mangalam, donnant des liqueurs cuivrées et mœlleuses.
Eau à 90°/Feuilles entières : 4/5 mn, BOP : 3 mn.

Bancha Hojicha
Ce thé vert japonais (variété de Sencha) mais grillé possède de belles feuilles marrons inégales, avec souvent quelques traces de tiges. Sa liqueur claire est d'un orangé pâle, tirant vert le jaune. D'une grande douceur, et d'un goût "de bois en feu" (Rika Giaume). Idéal avec du poisson.
Eau à 85/90°/ 2 mn.

Ceylan
Un des thés préférés des Anglais - astringent et râpeux - qui l'associent à leurs grands mélanges. S'apprécie bien souvent en feuilles brisées. Les trois grandes régions qui se partagent les meilleurs jardins sont : Nuwara Eliya, le "champagne" des thés de Ceylan ; Dimbula, donnant des thés très aromatiques et vigoureux (Kenilworth, moins bon qu'il y a dix ans ; Pettiagala, peu astringent et fruité) ; et Uva, recherché pour ses jardins de haute altitude (le plus connu et diffusé dans les salons de thé français reste Saint-James). Les liqueurs varient de l'ambré, du rouge cuivré à l'orangé (type jardin de Galle). Certains apprécient un Ceylan Fannings, assez corsé au goût, pour y ajouter un nuage de lait.
Eau à 90°/ 3/4 mn.

Darjeeling de 1ère récolte
Les thés de cette enchanteresse et montagneuse région du Nord-Est de L'inde, sur les contreforts de l'Himalaya (2.200 m d'altitude), aux frontières du Népal et du Sikkim, produisent ce qu'on appelle "le champagne du thé noir" ou "le thé des brumes". Si les Français l'aiment bien, les Japonais en raffolent depuis dix ans de plus en plus et s'octroie une part importante du marché. On compte environ 80 jardins répartis dans sept districts qui correspondent à une orientation géographique différente. La première récolte de printemps (first flush), entre la fin février à mi-avril donne des feuilles plus jeunes, plus tendres, plus vertes et une liqueur en tasse d'un jaune clair. Cela se traduit en bouche par un goût d'amande fraîche et de pêche exceptionnel. Jardins les plus réputés : Singbulli, Balasun, Namring, Bloomfield, Castleton, Phuguri. Bon cru en 2001 : Gopaldhara, Gopaldhara Oolong, Okayti, Oaks, Sungma.
Eau entre 80° et 85 °/ 3mn.

Darjeeling de 2e récolte
La deuxième récolte d'été (second flush), entre mi-mai et mi-juillet donne des feuilles plus sombres, plus mûres avec des bourgeons pâles et même d'un brun argenté. Cela se traduit en bouche par des notes plus rondes, de muscat, de noisette et de fruits rouges. Jardins cités en exemple en 2001 : Ambootia, Chamong, Sungma, Singbulli. À boire le matin comme la première récolte, en fonction de ses goûts. Les Darjeeling sont réputé pour leur astringence et leur rétro olfaction prononcée.
Eau entre 80° et 85 °/ 4 mn.

Dong Ding
On dit généralement que le Oolong (ou Wulong) est "le fils du thé noir et du thé vert", boisson considérée comme mystique dans les monastères, dès leur apparition au XIXe siècle. Le "Dong Ding" porte le nom de la montagne où il pousse ; on l'appelle aussi Tung Ting, ce qui peut se traduire par "Brumes glacées des hauteurs". Excellent thé partiellement fermenté (30 à 40 %) de Formose (Taïwan), selon la méthode chinoise, à la feuille verte assez claire, perlée, roulée en boule. Sa liqueur est plutôt d'un jaune d'or donnant un arôme prononcé proche de celui de l'orchidée. Attention, comme beaucoup de thés dits "bleu-vert", les feuilles se déploient au contact d'une eau très chaude, jusqu'à tripler ou quadrupler de volume. Faible en théine, il se boit toute la journée et même le soir.
Eau à 90/95°/ 5 à 7 mn. Méthode Gongfu cha : plusieurs infusions d'1 à 2 mn.

Earl Grey
Littéralement : "Comte Grey". Le classique des classiques des thés parfumés, inventé par les Britanniques au XIXe siècle. La tradition veut que la base de thé soit du Chien noir, de préférence du Keemun ou du Yunnan, auquel on ajoute de l'huile essentielle de bergamote (de Sicile, de préférence). Jadis, c'était certainement de l'orange amère. Beaucoup de salons de thé proposent plusieurs gammes d'Earl Grey (inutile de préciser "à la bergamote" comme certains l'annoncent), à base de thé noir d'Inde (Darjeeling) ou de Ceylan, et même à base de thés verts chinois et japonais.
Eau à 85/90°/ 4mn.

English Breakfast Tea
Association de plusieurs feuilles de thé noir, principalement d'Assam, de Ceylan, de Kenya, donnant un arôme assez corsé et une tasse sombre. À boire surtout le matin au réveil pour se mettre en bonne condition. Il existe d'autres variantes comme "Mélange anglais" associant des feuilles de Chine, de Ceylan et d'Inde.
Eau à 90°/ GFOP : 4mn, BOP : 3 mn.

Genmaïcha
Thé vert japonais, mélange de Sencha ou de Bancha auquel on a ajouté du maïs et du riz soufflé. Cela donne une liqueur jaune assez pâle et un goût plein, très agréable pour ceux qui aime le végétal et le grillé réunis.
Eau à 80°/ 2mn maximum.

Goût russe
Appelé aussi Douchka par la maison "Dammann". Un classique des thés aromatisés, lancé en hommage à la Grande Russie après la Révolution de 1917. Plus parfumé encore que l'Earl Grey. Sur une base de thé noir, sept agrumes réunis en huiles essentielles : orange douce, bergamote, citron jaune, citron vert, pamplemousse, limette, mandarine. La marque "Kusmi" en a fait sa spécialité.
Eau à 90°/ 4 mn.

Gunpowder
Littéralement "Poudre à canon", cette feuille verte, de médiocre qualité, originaire de Chine (baie d'Hangzhou, au sud de Shanghai) s'appelle aussi Zhucha ("Perle de thé"), est spécialement et uniquement fabriquée pour réaliser le traditionnel thé à la menthe marocain, algérien ou tunisien, avec de la menthe fraîche et du sucre. Les feuilles sèches sont petites et lustrées, roulées comme des boules.
Eau à 90°/ 3mn.

Gyokuro
Un des seigneurs de la culture ouverte des thés verts japonais avec le Tencha et le Kabusecha. Feuilles vertes lumineuses. Et liqueur jaune d'or, à la douceur végétale. Un thé de connaisseurs. Un des meilleurs jardin est sans doute le Gyokuro Zuikô, "Perle de rosée", disponible notamment au comptoir "Le Thé" de Nice : "La noblesse d'une matière alliée au travail fervent de l'homme", écrit Rika Giaume qui est une des rares à l'importer directement.  "Un nectar d'une ampleur exceptionnelle". À suivre aussi le Gyokuro Oubaku de chez "Cha Jin" "qui atteint un raffinement typique d'Uji (région productrice) lors de la 2e infusion".  (Xavier Nejiar).
Eau à 50/60°/ Au moins 2 infusions à moins d'1 mn chacun.

Jasmin
Thé vert (parfois blanc) de Chine traditionnel mélangé à des fleurs de jasmin fraîchement coupées. On prévoit environ 50 kg de jasmin pour 100 kg de thé. De plus en plus on ajoute de l'huile essentielle de jasmin, ce qui donne des thés au jasmin d'assez médiocre qualité. Certains établissements proposent des "Perles de jasmin", des fleurs roulées dans les feuilles de thé, qui s'ouvriront pleinement au moment de l'infusion. Variantes : Grand Jasmin Mao Feng et Jasmin Monkey King, "Cueillette des singes".
Eau à 75°/ 4 mn maximum.

Keemun
Thé noir, apparu au XIXème siècle en Chine, appelé aussi thé rouge à cause de son infusion, orangée (de plus en plus écrit Qimen), produit au sud de la région d'Anhui, à l'ouest de Shanghai. Belle feuille sombre, lustrée, donnant une liqueur aux parfums ronds, de miel et de chocolat. Idéale pour l'après-midi.
Eau à 85/90°/ 4/5 mn.

Kenya
Les premières plantations de ce thé cultivé pour donner uniquement des feuilles fermentées, apparurent en 1903. Aujourd'hui il est acheté pour les mélanges et les thés aromatisés et les sachets (4ème producteur mondial). Son jardin le plus connu s'appelle Marinyn et a fait son entrée dans de nombreux salons de thé français. Sa feuille noire, accompagnée de bourgeons et de quelques brisures, va donner une liqueur épaisse, d'un rouge orangé, et un goût suave, légèrement râpeux.
Eau à 90°/ 4 à 5 mn.

Lapsang souchong
Cultivé dans les montagnes Wuyi, au nord du Fujian, la région des Wulong, ce thé noir est le chouchou des salons de thé classiques. Mais on ne verra jamais un Chinois en boire. Faible en théine, ce thé à grandes feuilles sombres a été fumé avec des résineux, des pins ou des épicéas. Reconnaissons qu'il a le goût de pneu quand celui-ci a roulé au moins pendant 100 km. Son petit cousin s'appelle Tarry souchong et détient, lui, des arômes de pneu après 250 km de route. Pour accompagner avec du lard ou une saucisse fumée.
Eau à 95°/ 5 mn.

Lung Ching
"Puits du Dragon", un des classiques thés verts de Chine, originaire de la région de Zhejiang, près du lac d'Hangzhou, réputé pour sa cueillette impériale de printemps et sa proximité de la sources des "Tigres galopants". Feuilles vertes plates d'un vert foncé parsemées de bourgeons, donnant un liqueur d'un jaune clair tirant un peu vert le vert. Goût prononcé d'olive ou de châtaigne grillée. D'une profonde sérénité.
Eau à 70°/ 3 mn.

Matcha
Broyées, moulues par une meule de pierre, les feuille de Gyokuro donnent une poudre qui, lorsqu'elle est inondée d'une eau chaude et battue avec un fouet en bambou ("chasen"), donne du Matcha, ce qu'on nomme la "Mousse de jade". Ce thé unique d'un vert intense et lumineux, est utilisé surtout pendant le "chanoyu" (eau chaude du thé), rituel instauré par Sen no Rikyu, le premier maître de thé. Se boit de plus en plus glacé, l'été.
Eau à 60° maximum/ Battre pendant une ou deux minutes.

Pai Mu Tan
Thé blanc, survivance de l'époque impériale, est appelé aussi "Bai Mu Dan", ce qui peut se traduire par "Pivoine blanche". On le cultive dans plusieurs districts de la région du Fujian. Ses bourgeons duveteux ont la douceur d'un doigt d'un nouveau né. Goût subtilement fleuri, à boire avec délicatesse, hiver comme été pour son immense fraîcheur et sa grande légèreté.
Eau à 75/85°/ 7 à 8 mn.

Pu Er
Thé originaire du sud du Yunnan (prend un "h" à la fin uniquement chez les Britanniques), post-oxydé, à la feuille très sombre, légèrement torsadé (il existe aussi en brique). Chez "Mariage frères", on les surnomme les "thés mûrs". Liqueur rouge foncée ou très noire selon la durée de l'infusion. Idéal à boire après un bon repas pour dissoudre certaines mauvaises graisses. Certains le boivent ajoutant de l'eau chaude, sans retirer les feuilles à l'intérieur de la théière (en terre de préférence). Goût prononcé en bouche de terre humide après la pluie.
Eau à 90° 4/5 mn

Rooibos
Non, méfiez-vous, celui qu'on appelle "thé rouge" n'est pas du thé mais une herbe organique sans théine (lire les pages sur "Merry Monk" dans le XVe). Ne confondez pas avec le vrai thé noir d'Afrique du Sud (les premières cultures de thé commencèrent en 1877), dont le jardin Kawazulu, situé à l'est du Transvaal, est le plus répandu dans le commerce.
Eau à 90°/ 3à 4 mn.

Sencha
Thé vert japonais produit dans l'île de Kyushu dont les feuilles sont plates et ressemblent aussi à des aiguilles, d'un beau vert brillant. L'infusion est d'un vert pâle tirant vers le jaune. Goût subtil et végétal rappelant l'herbe et la paille. S'accompagne de produits de la mer.
Eau à 70°/ 2 mn.

Sichuan
Thé fermenté produit dans des montagnes de 1.600 m dans la région du même nom (s'écrit Szechwan aussi), aux feuilles sombres, avec quelques bourgeons, à la liqueur presque rouge et aux parfums chocolatés, maltés, très ronds et puissants en bouche.
Eau à 90° / 4 mn

Sikkim
Issu du petit royaume du Sikkim, non loin de la région de Darjeeling, à l'est de la chaîne himalayenne, au Nord-est de l'Inde. D'où la proximité de ses arômes avec les jardins de Darjeeling. Le seul jardin est Temi donnant des feuilles régulières avec des bourgeons dorés magnifiques.
Liqueur dorée et cuivrée. Bonnes sensations de miel. Belle rétro olfaction rappelant celle des Darjeeling. Du velours.
Eau à 85° 4 mn

Tarry souchong
Voir Lapsang souchong.

Tie Kuan Yin
Ce thé chinois de la région côtière du Fujian, près de Xiamen, est partiellement fermenté (entre 10 et 20 %). Il est le plus poétique et un des plus succulents de sa catégorie. On le surnomme "Déesse en fer de la Miséricorde". Sa feuille est torsadée, de couleur vert tirant vers le brun foncé dégageant des touches de fruits exotiques au nez. On le considère aussi comme le thé du dragon car en l'inondant d'une eau très chaude et pendant quelques minutes assez longues, il va s'ouvrir comme un dragon déploie ses ailes. Ses feuilles vont tripler ou quadrupler de volume. Superbe fraîcheur de la tasse avec son côté fleuri, rappelant aussi la pêche ou la peau de pêche. Superbe longueur en bouche typique des grands Wulong
(ou Oolong).
Eau à 90° 5/7 mn

Yin Zhen
Déjà apparu sous les dynasties Tang (618-906) et Song (960-1276), ce thé blanc de Chine ("Aiguilles d'argent"), cultivé dans le nord du Fujian et dans le Hunan, rappelle les cueillettes impériales. On cultive le bourgeon et la première feuille, laquelle est enlevée au moment du séchage. Il est classé par les Chinois dans la catégorie des thés verts. Cependant, il subit une légère fermentation (entre 2 et 4 %) entre deux périodes de séchage. Les feuilles sont blanches et d'un vert clair. La liqueur est d'un jaune très pâle. Le plus racé est le Bai Hao YinZhen. Son petit goût sucré, fleuri, enveloppé de fraîcheur et voluptueux à souhait (quand on réussit son infusion) fait dire à Nadia Bécaud de chez "Cha Yuan" qu'il est le thé "le plus prestigieux du monde". En 1982, le Yin Zhen fut répertorié parmi les trente meilleurs crus de Chine continentale. Contrairement à ce qui est écrit dans son catalogue, "Hédiard" n'est pas la seule maison à le vendre dans son comptoir puisque les quatre magasins "Cha Yuan" en France le diffusent aussi, comme Thés de Chine à Paris. Infusion idéale dans un zhong (2 g) ou dans un verre (4 g pour 30 cl).
Eau à 70°/ 7 mn environ.

Yunnan
Tient son nom de la grande province du sud-ouest de la Chine, au nord de Canton, berceau du thé, où seraient nées les différentes légendes. Un grand classique des salons de thé, référence étalon pour tous les buveurs de thé. On le surnomme aussi "Moka du thé" pour sa puissance aromatique, sa rondeur et son côté boisé, très agréable au petit-déjeuner. La maison  "Cannon" importe un des meilleurs du genre, Yunnan Golden Xian, très riche en arômes, d'une belle plénitude en arrière goût. Accord parfait avec une ganache noire. Disponibles désormais quelques jardins de Yunnan vert ou de Yunnan associant des feuilles de thé blanc et de thé vert, comme Silver Hill, d'une riche expression aromatique.
Eau à 90°/ 4 à 5 mn.
Novembre 2004
Par Gilles BROCHARD
Les Dix mots clés du Thé


  • OP - Orange Pekoe. Nom donné aux feuilles entières. "Orange" fait référence aux princes hollandais "Orange Nassau", qui furent à l'initiative des premiers bateaux partis vers la Chine. "Pekoe" est le mot d'origine cantonaise voulant dire "duvet".


  • FOP - Flowery Orange Pekoe. "Flowery" se traduit par fleuri. Le thé est alors composé des toutes premières feuilles.


  • GFOP - Golden Flowery Orange Pekoe. "Golden" se traduit par doré. Les feuilles sont entières et composées de bourgeons.


  • FTGFOP - Finest Tippy Golden Orange Pekoe.


  • TGFOP - Tippy Golden Flowery Orange Pekoe. Thé riche en bourgeons, réputé pour être un grand jardin.


  • STGFOP - Special Finest Flowery Orange Pekoe. Grand jardin exceptionnel.


  • BOP - Broken Orange Pekoe. Thé à feuilles brisées. Souvent le Ceylan est un BOP.


  • Fannings - Petites feuilles obtenues par tamisage en vue surtout de la composition des sachets.


  • Flush - Cueillette ou récolte. On parle des premières et des deuxièmes notamment ("first" ou "second").


  • In-Between - Récolte intermédiaire entre la première et la deuxième.


  • Tips - Fines pointes des bourgeons, garantie d'avoir un thé de qualité.