Le Coup de Coeur de Guy Martin pour les haciendas du Mexique
Cuixmala
C'est en famille, accompagné de Pascale et de nos filles, que j'ai découvert Cuixmala sur la côte pacifique du Mexique.
Nous étions invités à passer 3 jours chez des amis à la Casa Alborada de Cuixmala qui était à l'origine le havre que Sir James Goldsmith avait consacré à sa famille et à ses amis; une époustouflante propriété de 25.000 acres de végétation luxuriante, de lagunes et de plages de sable doré désormais ouverte aux voyageurs bien informés.
L'arrivée s'est faite en pleine nuit dans ce qui nous a semblé être un paradis mystérieux : nous ne pouvions entendre que le bruissement régulier de la mer et des cris d'animaux inconnus. Il nous fallut attendre le lever du soleil pour découvrir la nature qui nous entourait.
Nous constatons alors que notre maison surplombe une mer de cocotiers, bordée par la plage de Cuixmala où se jette une rivière, trois lagunes sur la gauche et le Pacifique à l'infini.
Pas une maison à l'horizon, à part Casa La Loma, la perle de Cuixmala qui, de loin, ressemble à un palais des mille et une nuits.
Un petit-déjeuner gargantuesque
Pedro et Tita (le couple qui s'occupe de nous à la maison) nous préparent un petit-déjeuner gargantuesque et très frais. Tout ce qu'il y a sur la table est cultivé sur la propriété : le café, produit dans la propriété “soeur” dans la montagne, la Hacienda de San Antonio, comme les jus de fruits, qui ici ne sont plus "exotiques" : papaye, mangue, melon et trois sortes de banane...Nous avons l'impression de goûter à ces délices pour la première fois. Pedro et Tita confectionnent les fameux "uevos a la mexicana": des oeufs "bio" brouillés avec tomates, oignons et piment vert, servis en compagnie de tortillas bien fraîches.
Ces plats, tonifiants sont suivis de croissants faits maison et de confitures du ranch.
Des cocotiers aux crocodiles
Après cette joyeuse entrée en matière nous décidons de partir faire un tour de la propriété en espérant ne pas nous perdre dans ce monde inconnu ! On passe en effet d'un paysage à l'autre en l'espace de 50 mètres. Nous commençons la descente au milieu des cocotiers qui doit nous mener, je l'espère, à la plage. Après avoir longé l'endroit où sont cultivés tous les arbres fruitiers citriques: oranges, limes, citrons verts et pamplemousses nous débouchons dans le "vivero" où brillent mille tons de bougainvilliers, de copas de oro et autres plantes tropicales. Plus loin, à côté de la piste d'atterrissage de l'hacienda, manucurée et verdoyante, nous saluons l'épouvantail qui protège les légumes dans le jardin potager. Je repense alors au Kerala. Ici, les agriculteurs utilisent les mêmes méthodes qu'en Inde, il y a 20 ans.
Nous y trouvons carottes, tomates, aubergines, céleri, fenouil, haricots verts, et autres concombres et toutes les herbes, mais aussi le fameux cactus” El Nopal”que les locaux utilisent pour lutter contre le diabète et le cholestérol, car il brûle les graisses et le sucre dans le sang.
Un peu plus loin, nous passons sur un étroit petit pont surplombant la rivière entourée de bambous de 40 mètres de haut...et où se reposent les crocodiles.
Ces animaux à sang froid s'offrent au soleil avec la gueule grande ouverte, ce qui est leur manière toute personnelle de transpirer. Quel spectacle ! Ambre pense que ce sont des sculptures !
Le délice du jaimaca
Poursuivant notre chemin nous sentons bientôt la brise fraîche de la mer et nous découvrons alors l'immense plage de Cuixmala. Sur ces trois kilomètres de sable nous décidons de faire une marche en direction de la rivière où nous apercevons des pêcheurs dans leur barque typique de cette région.
Comme pour nous saluer un vol de pélicans nous survole en formation majestueuse, tels des avions lors de la parade du 14 juillet !
De là où nous sommes nous pouvons apercevoir au loin le dôme bleu marine et jaune de notre maison, et la loma, perchée sur une petite colline comme un mirage. Nous ne nous sommes pas perdus...
Rebroussant chemin à grands pas énergiques nous nous retrouvons bientôt au bas de la piscine de la maison d'où des invités sympathiques nous font des grands signes : ils nous invitent à goûter pour la première fois au fameux jus de jaimaca, plante aux propriétés diurétiques et pleine de vitamine C. Un délice !
En montant les 200 marches de l'escalier baroque qui dans sa théâtralité nous conduit vers la loma je songe en regardant le dôme qui la recouvre au fameux poème de Coleridge sur Xanadu et son palais de Kubla Khan. Je pense me retrouver au paradis, entouré de jeunes naïades se dorant au soleil...
La visite se poursuivra en voiture. Dans un fouillis de manguiers, de papayers et de cocotiers nous passons par les lagunes où zèbres, antilopes et gazelles se prélassent à l'ombre en attendant le coucher du soleil pour s'abreuver.
Pique-nique à Caleta Blanca
Le lendemain nous profitons de la plage réservée aux invités de Cuixmala au bord de Caleta Blanca une petite baie où l'eau turquoise est calme et chaude.
On peut faire du kayak, de la plongée sous-marine, du ski nautique ou bien se laisser bercer dans un hamac à l'ombre.
Pedro, notre maître d'hôtel nous retrouve comme par magie avec un pique-nique royal.
Un pêcheur est revenu de sa pêche avec des thons rouges que l'on nous prépare crus avec du citron et du wasabi.
Un ballet de baleines !
Après le repas, nous partons en bateau découvrir les 9 îles de Chamela, seul endroit au monde où se reproduisent les oiseaux: "parajo bobo".
L'une des îles - la plus belle - où se trouvent deux plages de sable fin et blanc appartient à la Reine d'Angleterre. Nous délivrons au passage quelques tortues de mer des horribles filets des pêcheurs et repartons avant de nous faire remarquer!
Nous longeons ensuite la côte jusqu'à Careyes en admirant les célèbres villas construites dans le style de l'école de Luis Baragan par les architectes Diego Villasenor et Marco Aldaco, lorsque... miracle ! Des baleines apparaissent et nagent tout à côté de nous !
C'est un véritable ballet, tant elles sont synchronisées. Prudent le pilote s'éloigne afin de ne pas changer leur itinéraire. Il craint en effet que l'une d'elles ne s'échoue sur la plage. Je n'ai hélas pas pris ma caméra pour fixer cet étonnant moment de grâce.
Sobre las playas
De retour à la maison, une autre surprise nous attend : nous allons dîner sur la plage de Cuixmala. Une trentaine de personnes sont déjà installées et le festin commence!
Un cochon de lait grille sur le feu accompagné de poulet, saucisses faites maison et de tous les légumes possibles. Quatre énormes feux de 6 mètres de hauteur nous réchauffent et crépitent joyeusement tandis qu'un trio de musiciens commence à jouer toutes les chansons des années 40 et 50 et que nous dansons jusqu'à épuisement!
Le lendemain, nos hôtes ont cette fois organisé une journée à la Playa Escondida, une plage sauvage où se trouvent deux grottes dignes de Robinson Crusoé. Pour y arriver, il faut sortir de la propriété et traverser le village de Zapata, très couleur locale : les “caballerangos” poursuivent leurs taureaux égarés pendant que les femmes assises à l'ombre des portiques nous regardent passer...
Sur la plage, une tente caïdale marocaine sert d'abri pour la journée. De là, nous pouvons admirer les jeunes qui s'adonnent au boogie board et au body surf dans les vagues tandis que des baleines passent au loin...
A cheval au milieu des zèbres et des gazelles
Les journées passent malheureusement trop vite. Nous avons ainsi l'occasion de faire une balade a cheval, un rituel à ne pas manquer à Cuixmala. En galopant au milieu des zèbres et des gazelles je crois être au Kenya. Nous arrivons juste à temps pour admirer notre dernier coucher de soleil cuixmaltèque. Aïe, aïe, aïe, que bonito!
Nos amis nous invitent ensuite à dîner aux écuries où un stand de tacos, le plat mexicain national, nous attend. De longues tables de ferme sont dressées sous les arbres illuminés par des lanternes accrochées aux branches. Un ami guitariste nous enchante pendant la soirée et nous rentrons a Casa Alborada passer notre dernière nuit avant de monter à la Hacienda de San Antonio qui se trouve dans l'état de Colima.
La Hacienda de San Antonio
Là nous sommes, une fois de plus, subjugués par la beauté de la nature et l'architecture de cette hacienda construite en 1879 par un Allemand Arnoldo Vogel et sa femme mexicaine Doña Clotilde au pied du volcan de Colima.
Nous y découvrons un “arched”, ou aqueduc en pierre volcanique noire bâti pour fournir l'eau à l'hacienda. Don Arnoldo commença à produire son propre café dont la renommée fut telle qu'il se retrouva sur la table de la famille impériale allemande ainsi qu'à l' Hôtel Waldorf Astoria de New York.
Lorsque la propriété fut épargnée par une énorme éruption du volcan en 1913, Dona Clotilde fit construire une chapelle et la dédia à Saint-Antoine. C'est ainsi que le nom de la propriété changea et l'Hacienda de Santa Cruz devint Hacienda de San Antonio.
Durant la révolution mexicaine, maintes plantations furent envahies et brûlées mais cette hacienda fut épargnée car la famille nourrissait l'armée du gouvernement... comme les révolutionnaires. Ensuite, la propriété fut abandonnée et tomba tristement en ruine.
Dans les années 1970, Don Antenor Patino le "roi de l'étain" acheta le domaine et entreprit de reconstruire l'hacienda. Une dizaine d'années plus tard, Sir Jimmy Goldsmith racheta la propriété comme il l'avait fait de Cuixmala et la transforma en maison de famille.
Il fit donner à la ferme une orientation "biologique" et c'est d'elle que proviennent les légumes, les fruits et tous les produits servis à l'hôtel.
L'Hacienda qui a ensuite été transformée en hôtel a ouvert ses portes aux heureux voyageurs en novembre 2005.
Café et Bambous
Nous commençons notre visite par la fromagerie et la fabrique de café ou l'on nous explique les différentes étapes de sa fabrication. Comme à Cuixmala nous nous promenons ensuite longuement et faisons le tour de trois lagunes et découvrons la fameuse Allée des Bambous et ses spécimens gigantesques. Décidément passionnés par l'équitation, c'est à cheval que nous découvrons ces paysages. Dans cette allée, il faut retenir les chevaux qui ne demandent qu'à s'en donner à coeur joie et partir au triple galop. Mais nous les aimons trop pour les fatiguer ! Puis au détour du chemin, une cascade apparaît, comme irréelle au bout de cette gorge de bambous. Quelques photos immortaliseront ce moment au milieu de la végétation qui étouffe les bruits et laisse filtrer quelques rayons de soleil.
Nous reprenons notre route au pas. Devant nous, une Mexicaine maquillée de rides cueille du café comme il y a cent ans. Dans la propriété même le café est bien sûr maison !
Un vent d'une extrême liberté souffle et la bonne humeur se communique : notre guide, Audel, fait danser à son pur sang "Armadillo" avec légèreté, la danse du "Calceto".
Un tejon, un mammifère de la famille des racoons, traverse tranquillement devant nous.
La promenade se termine au ranch situé au pied du volcan de Colima où les chevaux sont en liberté. Deux jeunes poulains, véritables peluches, font l'attraction pour les enfants.
Le volcan de Colima
De retour à l'Hacienda, un bon bain chaud nous attend avec des huiles essentielles pour soulager nos muscles endoloris. Dans les chambres spacieuses (soixante mètres carrés) le mobilier est d'époque. Tout est raffiné, élégamment décoré avec amour et goût. Et dans la cheminée un feu crépite et scintille. En quittant la chambre, notre regard se pose sur le volcan. Il fait partie des 4 à 5 volcans d'Amérique du Nord en activité et d'immenses volutes s'en dégagent. C'est un spectacle étonnant. Il est bien vivant et nous le démontre. Des "Ho !" et des "Ha !" fusent : c'est une première pour les enfants.
Heureux, nous allons dîner. Une table nous est préparée sur la terrasse avec bougies et torches sous le ciel constellé.
Les plats qui se succèdent pour cette soirée sont d'inspiration mexicaine avec les ingrédients "bio" de la propriété et réalisés avec la "french touch" du chef David Ferré.
Les yeux brillent et il est l'heure de se coucher.
Sainte Vierge et Santiag
Après un petit-déjeuner copieux dans un grand salon, dont José Parra a peint les fresques murales, la piscine nous attend. Il fait chaud, l'eau est bonne, les enfants jouent. Ambre apprend à nager avec Valentine et Eleonore, ses sœurs.
Puis, c'est la pause pour le déjeuner autour de la piscine avec des produits de grande qualité.
L'après-midi, nous partons pour visiter Comala. Tout au long de la route, de petites croix nous rappellent que la chaussée peut être dangereuse.
A Comala avec ses places typiques et ses musiciens nous nous délectons d'une Margarita au son des mariachis. Tout à côté, sur la place centrale, la cathédrale est consacrée à la Vierge de Guadeloupe... La Sainte la plus priée au Mexique.
Puis, shopping et bien sûr, je craque pour de véritables "Santiag" !
Un peu fatigués des bruits de la ville, nous regagnons notre havre de paix en passant par Nogueras et son musée où expose le fameux artiste Alejandro Rangel Hidalgo (créateur des cartes UNICEF, mondialement connues). Nous contemplons avec émotion la superbe collection de céramiques et poteries préhispaniques, dont les fameux chiens de Colima retrouvés dans les tombes.
Entre puma et sangliers, au milieu de nulle part...
Le lendemain, une grande promenade à cheval est à nouveau prévue. Mais après avoir quitté le ranch, quelle surprise : soudain un puma devant nous ! Nos regards sont captés par cette démarche féline sur le sentier mais les chevaux restent impassibles et trottent... Les selles mexicaines sont confortables, le soleil taquine nos visages, la balade débute au mieux !
Après 2 heures de chevauchée nous découvrons, au milieu de nulle part, de grandes tentes blanches dressées.
Tapis, coussins et poufs jonchent le sol devant un somptueux buffet et des convives assis grignotent des légumes avec jambon et charcuterie maison.
Notre arrivée... au petit galop ne laisse personne indifférent !
Les poulets rôtis à la sauce chocolat voisinent avec les tortillas et les tostados; un délicieux potage aux haricots rouges relevé de piments mulato complète les farcis de champignons. Le célèbre ragoût "mole polilano" avec les fruits et les légumes du jardin mijote dans un plat en terre, sous la cendre, tandis que les papayes, les ananas et les bananes sont joliment mis en valeur.
Les vins issus de cépages barbera, cardinal ou carignan... et servis un peu frais sont agréables.
Dans l'après-midi, les enfants, mais aussi les parents, ont succombé au traditionnel "Romper la Pinata". A l'aide d'un bâton, les yeux bandés, les enfants à tour de rôle essaient de casser la Pinata confectionnée par des artisans locaux et qu'à l'aide d'une corde suspendue à un arbre, Amado fait descendre et remonter. La Pinata enfin éventrée, c'est la ruade pour se remplir les poches de bonbons et de sucreries...
Dernier clin d'oeil mexicain : sur le chemin du retour à l'Hacienda, une famille de sangliers lève à peine la tête et nous regarde de façon nonchalante.
Demain ce sera fini. Retour à Paris et sans doute le froid et la neige, mais heureusement, j'aime mon métier et d'autres plaisirs nous attendent.