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Mon vieil ami, l'écrin culinaire de l'île Saint-Louis, élu "Bistrot de l'année"

La tendance aujourd'hui est à l'ouverture de bistrots de grands chefs. Antoine Westermann, un des cuisiniers les plus doués de sa génération, triplement étoilé à Strasbourg dans son restaurant Buerehiesel, fait un malheur depuis décembre 2003 au coeur de l'île Saint-Louis avec son bistrot Mon vieil ami qui vient d'être élu "Bistrot de l'année" par le Guide Pudlo 2005, rédigé par Gilles Pudlowski (éditions Michel Lafon).
La recette ?

Avoir transformé le restaurant Le Monde des Chimères, fondé en 1964, et laissé vacant depuis quelques années, en un bistrot chic sans en altérer la qualité. Avec surtout cet atout majeur : Antoine Westermann y a placé un de ses brillants seconds, Anthony Clémot (né entre Nantes et Cholet en 1975), qui avec sa jeunesse, son tempérament fougueux et sa flamme culinaire, a réussi le pari de remplir la salle de quarante couverts, à déjeuner et deux fois le soir.
Jeannine Coureau, qui a succédé à sa mère pour cuisiner pendant douze ans dans ce Monde des Chimères a donné les clefs de son établissement à cette nouvelle et élégante équipe en sachant parfaitement que l'esprit de fête qui y régnait avant pourrait au moins s'y prolonger.
Aujourd'hui, avouons-le, Mon Vieil Ami accueille des groupes d'amis, des fidèles qui sont le miroir de ce lieu atypique à Paris. Bonne table et excellent esprit. Parisiens des deux rives, provinciaux de passage et étrangers à l'affût des nouvelles tables s'y côtoient avec bonhomie. On parle avec son voisin sans aucune retenue. Mon vieil ami mérite bien son nom. Et pourtant.

Comme chez soi

Dommage, le nom de Comme chez soi était déjà pris. Il aurait convenu aussi à l'établissement. Car on vient ici pour goûter à des plats de famille comme le pot au feu l'hiver, pour y déguster le plat du jour ou le célèbre foie gras d'oie frais truffé en croûte qui a fait la réputation d'Antoine Westermann et qui pudiquement est intitulé : pâté en croûte de Mon Vieil Ami, salade à l'huile de noix !
Le principe est simple, le client ne rechigne pas à s'installer autour de la grande table d'hôte de quatorze places ou autour d'une des douze tables carrées ou rondes de bois sombre, posées sur un solide parquet chaleureux. Le décor fait de pierres blanches authentiques, de poutres et de briques en noir mat, "comme une écriture, comme une signature", dixit l'architecte Pascal Desprez, subtil styliste des matières, s'efface quand on plonge le nez dans son assiette. Harmonie, douceur, concentration.

Ce qui frappe ?

Le contenu de la carte, certes parfois inspiré par les racines alsaciennes d'Antoine Westermann mais surtout par une adéquation forte entre les viandes, les poissons avec les légumes. Car, en cuisine, on célèbre dans des cocottes le meilleur des petits légumes de saison qui sont souvent cuits avec des citrons confits et de la coriandre fraîche.
Déclinaison de saveurs réunies mais jamais assommées les unes par les autres. Les assiettes sont chaudes, les portions généreuses, les vins coquets et le service souriant. Quant aux prix, ils sont raisonnables : à déjeuner le plat du jour est à 15 euros; le soir, les entrées sont à 10 euros, les poissons et les viandes à 20 euros et les desserts à 8 euros. Quant aux trois Coups de coeur du marché, ils varient entre 10 et 22 euros.

Que choisir ?

En dehors du génial pâté en croûte, à l'heure des girolles, nous vous conseillons la cassolette de légumes printaniers en salade tiède accompagnée de la mâche et des champignons, mais aussi le confit de légumes et d'oignon, sardines marinées et tartine grillées, un des succès de la saison. À voir les cocottes arrivées sur la table à côté des bouteilles de Charmes Chambertin ou de Château Pech Latt, les pommes de terre mijotées au citron confit, aromates et raie poêlée aux câpres et croûtons, le carrelet rôti avec ses légumes cuits façon bouillabaisse, ou encore l'épaule d'agneau croustillante pour deux comme les tomates farcies à la ventrèche de cochon cernées par des aubergines et des courgettes confites (hum !), nous n'avons qu'une envie : les dévorer ou diriger sa fourchette dans l'assiette du voisin !

Secondé par un jeune chef américain, Anton Jancsik, Anthony Clemot a dessiné une jolie et courte carte des desserts, valeurs sûres des fins de repas comme un riz au lait, une salade de fruits, une tarte au chocolat ou un gratin de mirabelles (vite, il n'y en aura plus bientôt), déclinés avec saveurs et de belles fantaisies. Utilisant le Paco Jet, cet objet révolutionnaire anti-turbine, ils peuvent ainsi proposer toutes sortes de sorbets et de glaces comme celle à la verveine, si confondante de suavité.

Un parcours sans faute

Pas d'école hôtelière pour le jeune Anthony Clémot (né en 1975) qui préfère suivre à seize ans un apprentissage près de Nantes, à L'Aquarelle, où, confie-t-il, "un chef merveilleux, Philippe Rineau, m'a transmis une sacrée envie et d 'excellentes bases techniques." Surtout, ne pas s'étonner qu'il ait choisi cette voie puisque ses parents étaient traiteurs et que "tout petit, j'ai baigné dedans". Rien ne vaut une motivation personnelle.
Anthony Clémot rebondit et part en Vendée pour se frotter quatre ans auprès de Guy Jaqueneau à l'Hôtel de France avant de décider d'aller travailler
auprès de grands chefs comme Philippe Legendre, chez «Taillevent, pendant trois ans. Une rencontre déterminante. Anthony Clémot aime raconter cette histoire : "Un jour, alors que je lui demandais s'il pouvait m'aider pour trouver un poste dans le sud, il me dit : "Le sud pour toi mon garçon ce sera l'Alsace !". Et voilà comment j'ai connu Antoine Westermann."
Le voilà qui découvre la région mais surtout la jolie et authentique ferme à colombages et le parc de l'Orangerie avant d'apprendre à cuisiner le Schniederspaetle ! "Avec Antoine Westermann, j'ai toujours eu la sensation de pouvoir aller plus loin", clame t-il. D'où le grand saut vers les Etats-Unis à sa demande après trois ans de fidélité en Alsace. Et près un an et demi au service du Café 15 au sein du Sofitel Square à Washington, lancé en 2001 par Antoine Westermann, où il apprit à diriger un restaurant, Anthony Clémot souhaitait revenir en France.

De Washington à Paris

Depuis décembre 2003, il se sent comme son "interprète" au restaurant Mon Vieil Ami, en étant cette fois actionnaire et responsable du restaurant. Il a emmené avec lui de Washington un maître d'hôtel, Adrien, qui travaillait à ses côtés au Café 15 . Et avec les cocottes jaunes qui colorent chaque table, Anthony Clémot, lui l'homme de du grand Ouest, rend hommage en un clin d'oeil "à la fabuleuse culture du bien manger alsacien".
Ainsi, il peut développer cette belle tradition du bistrot parisien sous l'oeil attentif d'un de ses "maîtres ès-cuisine", un peu comme son ami Gilles Choukroun, l'inspirateur de l 'Angl'Opéra, où il aime se rendre de temps en temps quand il n'est pas derrière ses fourneaux.
Octobre 2004
Par Gilles BROCHARD
Mon Vieil Ami
69, rue Saint Louis en l'île, 75004 Paris.
Tél : 01 40 46 01 35.
Courriel : mon.vieil.ami@wanadoo.fr
Déjeuner de 12 h à 14 h 30.
Dîner de 18 h 30 à 23 h.
Fermeture : lundi matin et soir et mardi à déjeuner.
Ouvertures exceptionnelles : 24 décembre et 31 décembre.
Carte : plat du jour à 15 euros.
Menu carte à 38 euros (entrée, plat, dessert).
Vins au verre.