Raphaël Le Masne de Chermont le français de Hong Kong
Jeune Européen à l'allure romantique, Raphaël Le Masne de Chermont dirige l'unique société de luxe chinoise, Shanghai Tang. Cette entreprise d'envergure internationale compte quinze adresses dans le monde, dont une à Paris.
Désormais un passage obligé pour qui visite Hong Kong
Hong Kong mai 2004. Située à quelques encablures des luxueux malls de Central, l'immense boutique Shanghai Tang de Pedder Street est désormais un passage obligé pour qui visite Hong Kong.
Depuis près d'une heure, je flâne, me promène d'un étage à l'autre, reviens sur mes pas. J'aime l'atmosphère surannée de cet endroit qui semble téléporté du Shanghai des années trente. Dans l'air, un parfum entêtant aux accents de gingembre dont les effluves gagnent la rue; sur les étagères de bois laqué, des vestes à col Mao en cachemire et des étoles en soie lourde aux couleurs éclatantes, signe distinctif de la maison. Dans les vitrines, des boutons de manchettes en jade, des paniers à dim sum en argent, et cette musique rétro qui rappelle l'univers de Wong Kar Wai...
A l'étage, un Occidental fort élégant, trente-cinq ans peut-être quarante, s'entretient avec la responsable des lieux. J'apprends qu'il est français, qu'il vit à Hong Kong et qu'il est directeur général de Shanghai Tang. Cette start-up 100 % made in Hong Kong, première et unique ambassadrice du "Chinese chic" dans le monde a choisi pour la diriger ce jeune Européen à l'allure romantique, au regard bleu acier et à l'anglais impeccable. La chose me paraît assez singulière pour que quelques mois plus tard à Paris, je reconnaisse immédiatement l'homme en question dans le salon de thé de la Maison de la Chine.
Une entreprise qui sait prendre le temps nécessaire pour s'installer
Paris, octobre 2004. Raphaël Le Masne de Chermont - c'est son nom - assiste au lancement d'une bouteille de Champagne "habillée" par Shanghai Tang. Il y a un an à peine, quelques mois après la crise du SRAS, la marque inaugurait son adresse parisienne dans les locaux de la Maison de la Chine - spécialiste du voyage culturel en Asie - préférant la place Saint-Sulpice aux avenues chics de la rive droite. "Je n'ai pas choisi l'avenue Montaigne pour deux raisons. La première, c'est qu'il n'y a plus une seule adresse disponible et même si c'était le cas, nous n'aurions pas les moyens de nous l'offrir. La seconde et la plus importante, c'est que l'avenue Montaigne ne nous ressemble pas. Il y a une vraie cohérence pour Shanghai Tang à partager ces lieux avec Patricia Tartour et les membres de son équipe. Tous, ou presque, sont des sinologues et connaissent parfaitement la Chine. Nous avons, je crois, la même culture de l'entreprise intelligente qui sait prendre le temps nécessaire pour s'installer", argumente-t-il.
L'art de vivre selon Shanghai Tang
"Prendre le temps", tout est relatif. En une poignée d'années, Shanghai Tang est passé du petit magasin de tailleur hong-kongais à une société d'envergure internationale qui compte aujourd'hui quinze adresses dans le monde : une dizaine en Asie, une à Paris, deux à Londres et une à New York. La marque du charismatique David Tang - qui, dit-on, côtoie les célébrités du monde entier - est devenue en l'espace d'une décennie l'unique entreprise de luxe chinojse Le style Shanghai Tang a séduit l'Amérique et l'Europe, les Italiens, les Espagnols et les Français en tête. " Nous ne faisons pas dans le déguisement ni le folklore mais adaptons pour l'international une esthétique extrême-orientale", précise Raphaël Le Masne de Chermont. Depuis trois ans, ce dernier travaille au développement de l'art de vivre selon Shanghai Tang. Le luxe, il connaît, c'est sa spécialité. À la fin des années quatre-vingt, à peine sorti de l'école de commerce, il s'envole pour l'Angleterre et intègre le bureau londonien de Cartier. Après quatre années passées au développement des produits dérivés Ferrari, il quitte Cartier pour Baume et Mercier et Londres pour la Belgique où il rencontre une jeune journaliste qui deviendra son épouse.
"J'ai toujours été un étranger"
En 1994, la firme nomme Raphaël directeur du marché asiatique, le couple et leur bébé débarquent à Hong Kong. Dix ans plus tard, la famille s'est agrandie, vit toujours là-bas et n'a nullement l'intention de rentrer. "Finalement, depuis le début de ma carrière, j'ai toujours été un étranger. C'est comme une drogue, j'ai cette liberté d'être et de faire que je n'aurais jamais dans mon pays. Aujourd'hui, après dix-sept années passées hors de France, je ne me sens plus expatrié, je me sens Français de Hong Kong. Ma vie professionnelle est en Chine et même si la France reste à mes yeux le plus beau pays du monde, je sais que je m'y ennuierais." II faut dire qu'en quelques années, Raphaël Le Masne de Chermont a connu l'ambiance fin de siècle qui précéda la rétrocession de Hong Kong à la Chine, la crise économique de 1997 et dernièrement, celle du SRAS.
Docteur ès crises
Docteur ès crises par la force des choses, le jeune directeur semble en toute circonstance rester stoïque et concentré. Flegme britannique, retenue extrême-orientale ou décontraction à la française ? Difficile de dire quelle culture plus qu'une autre influence cet homme. Son allure et ses manières sont un savant métissage des trois. Le plus naturellement du monde, il associe un pantalon de costume occidental avec une veste à col Mao, vous tend sa carte de visite à la manière des Chinois, ponctue ses phrases d'expressions anglaises et évoque la maison qu'il fait construire dans le sud de la France comme si les fuseaux horaires et les frontières n'existaient pas. Au fil des voyages et des rencontres, Raphaël Le Masne de Chermont s'est imprégné de cultures et de coutumes qu'il a faites siennes, il s'est "fabriqué" sa propre nationalité.
Il est devenu international.
Hong Kong mai 2004. Située à quelques encablures des luxueux malls de Central, l'immense boutique Shanghai Tang de Pedder Street est désormais un passage obligé pour qui visite Hong Kong.
Depuis près d'une heure, je flâne, me promène d'un étage à l'autre, reviens sur mes pas. J'aime l'atmosphère surannée de cet endroit qui semble téléporté du Shanghai des années trente. Dans l'air, un parfum entêtant aux accents de gingembre dont les effluves gagnent la rue; sur les étagères de bois laqué, des vestes à col Mao en cachemire et des étoles en soie lourde aux couleurs éclatantes, signe distinctif de la maison. Dans les vitrines, des boutons de manchettes en jade, des paniers à dim sum en argent, et cette musique rétro qui rappelle l'univers de Wong Kar Wai...
A l'étage, un Occidental fort élégant, trente-cinq ans peut-être quarante, s'entretient avec la responsable des lieux. J'apprends qu'il est français, qu'il vit à Hong Kong et qu'il est directeur général de Shanghai Tang. Cette start-up 100 % made in Hong Kong, première et unique ambassadrice du "Chinese chic" dans le monde a choisi pour la diriger ce jeune Européen à l'allure romantique, au regard bleu acier et à l'anglais impeccable. La chose me paraît assez singulière pour que quelques mois plus tard à Paris, je reconnaisse immédiatement l'homme en question dans le salon de thé de la Maison de la Chine.
Une entreprise qui sait prendre le temps nécessaire pour s'installer
Paris, octobre 2004. Raphaël Le Masne de Chermont - c'est son nom - assiste au lancement d'une bouteille de Champagne "habillée" par Shanghai Tang. Il y a un an à peine, quelques mois après la crise du SRAS, la marque inaugurait son adresse parisienne dans les locaux de la Maison de la Chine - spécialiste du voyage culturel en Asie - préférant la place Saint-Sulpice aux avenues chics de la rive droite. "Je n'ai pas choisi l'avenue Montaigne pour deux raisons. La première, c'est qu'il n'y a plus une seule adresse disponible et même si c'était le cas, nous n'aurions pas les moyens de nous l'offrir. La seconde et la plus importante, c'est que l'avenue Montaigne ne nous ressemble pas. Il y a une vraie cohérence pour Shanghai Tang à partager ces lieux avec Patricia Tartour et les membres de son équipe. Tous, ou presque, sont des sinologues et connaissent parfaitement la Chine. Nous avons, je crois, la même culture de l'entreprise intelligente qui sait prendre le temps nécessaire pour s'installer", argumente-t-il.
L'art de vivre selon Shanghai Tang
"Prendre le temps", tout est relatif. En une poignée d'années, Shanghai Tang est passé du petit magasin de tailleur hong-kongais à une société d'envergure internationale qui compte aujourd'hui quinze adresses dans le monde : une dizaine en Asie, une à Paris, deux à Londres et une à New York. La marque du charismatique David Tang - qui, dit-on, côtoie les célébrités du monde entier - est devenue en l'espace d'une décennie l'unique entreprise de luxe chinojse Le style Shanghai Tang a séduit l'Amérique et l'Europe, les Italiens, les Espagnols et les Français en tête. " Nous ne faisons pas dans le déguisement ni le folklore mais adaptons pour l'international une esthétique extrême-orientale", précise Raphaël Le Masne de Chermont. Depuis trois ans, ce dernier travaille au développement de l'art de vivre selon Shanghai Tang. Le luxe, il connaît, c'est sa spécialité. À la fin des années quatre-vingt, à peine sorti de l'école de commerce, il s'envole pour l'Angleterre et intègre le bureau londonien de Cartier. Après quatre années passées au développement des produits dérivés Ferrari, il quitte Cartier pour Baume et Mercier et Londres pour la Belgique où il rencontre une jeune journaliste qui deviendra son épouse.
"J'ai toujours été un étranger"
En 1994, la firme nomme Raphaël directeur du marché asiatique, le couple et leur bébé débarquent à Hong Kong. Dix ans plus tard, la famille s'est agrandie, vit toujours là-bas et n'a nullement l'intention de rentrer. "Finalement, depuis le début de ma carrière, j'ai toujours été un étranger. C'est comme une drogue, j'ai cette liberté d'être et de faire que je n'aurais jamais dans mon pays. Aujourd'hui, après dix-sept années passées hors de France, je ne me sens plus expatrié, je me sens Français de Hong Kong. Ma vie professionnelle est en Chine et même si la France reste à mes yeux le plus beau pays du monde, je sais que je m'y ennuierais." II faut dire qu'en quelques années, Raphaël Le Masne de Chermont a connu l'ambiance fin de siècle qui précéda la rétrocession de Hong Kong à la Chine, la crise économique de 1997 et dernièrement, celle du SRAS.
Docteur ès crises
Docteur ès crises par la force des choses, le jeune directeur semble en toute circonstance rester stoïque et concentré. Flegme britannique, retenue extrême-orientale ou décontraction à la française ? Difficile de dire quelle culture plus qu'une autre influence cet homme. Son allure et ses manières sont un savant métissage des trois. Le plus naturellement du monde, il associe un pantalon de costume occidental avec une veste à col Mao, vous tend sa carte de visite à la manière des Chinois, ponctue ses phrases d'expressions anglaises et évoque la maison qu'il fait construire dans le sud de la France comme si les fuseaux horaires et les frontières n'existaient pas. Au fil des voyages et des rencontres, Raphaël Le Masne de Chermont s'est imprégné de cultures et de coutumes qu'il a faites siennes, il s'est "fabriqué" sa propre nationalité.
Il est devenu international.
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Cet article est paru dans SENSO |
Décembre 2004
Par B�line DOLAT