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Patrick Chalhoub, une histoire de famille

Le Groupe Chalhoub, une véritable histoire de famille qui a commencé en 1955 en Syrie à Damas, avec Michel et Widad, les parents de Patrick. Passionnés de culture française, ils ont été les premiers à importer du luxe estampillé « Made in France », à ouvrir la première boutique « Christofle », créant une passerelle entre l’Occident et le Moyen-Orient. En 79 Patrick Chalhoub, (après son frère Anthony en 75), décide de suivre les traces de son père, créant une plate-forme de distribution qui attire les plus grandes marques, comme Dior, Fendi, Coty, Louboutin… Il représente ainsi l’Art de Vivre à la française et devient l’ambassadeur des plus grandes griffes de luxe au Moyen-Orient. Un groupe régional implanté aujourd’hui dans 14 pays, avec plus de 13 000 personnes et plus de 125 entreprises, filiales et joint-ventures. Face à face avec Katya Pellegrino.

Parlez-nous un peu de vous ?



Né en Syrie à Damas, où je n’y suis resté que mes premières années d’enfance, des lois anti importations obligeant en 65, notre famille à partir au Liban, à Beyrouth. J’y resterais jusqu’en 75, au moment où la guerre civile éclatera au Liban et obligera mes parents à s’expatrier une fois de plus au Koweit, lorsque les troupes irakiennes l’envahiront en 90. Durant cette période, je suis plutôt bon élève, j’adore les maths où j’excelle. Ce qui me fascinait et m’attirait à cette époque c’était la relation qui pouvait exister entre les maths et le cerveau (en fait les prémices de l’IA). Finalement j’étais en avance sur mon temps (sourires). Puis je pars finir mes études à Paris, à Sciences-Po Paris pendant que mes parents au Koweit, développent le groupe avec l’aide de mon frère Anthony, venu les rejoindre en 75.

C’est votre père, Michel, avec l’aide de votre mère, qui a initié ce qui est devenu le Groupe Chalhoub aujourd’hui. Qu’est-ce qui vous a poussé à suivre ses traces ?

L’affaire de famille nous a passionnés, mon frère et moi. Et nous avons eu envie de continuer l’aventure avec eux et de la développer. Nous sommes partis d’une affaire de couple créé il y a 62/63 ans, à une affaire de « retail », de partenaires de marques. Mes parents se sont retirés maintenant depuis 10 ans. Mais chacun de nous a profité d’un secteur en plein développement. En 79 au départ, nous étions centralisés au Koweit, puis nous avons essayé de répondre aux aspirations du luxe d’une manière plus consistante et plus profonde. Nous avons ainsi créé des mono marques, des concepts stores, des réseaux multimarques, un spectre plus large, représentant, distributeurs, détaillants et maintenant l’e-commerce.. Prenant une part de marché de 30 %, nous sommes passés de 100 personnes à 13 000 personnes à ce jour.

Magasin Tanagra

Comment définissez-vous le comportement du consommateur moyen-oriental vis-à-vis du luxe?

Il faut comprendre que le luxe démontre sa richesse, c’est un luxe d’apparat au départ qui situe le consommateur et son rang social vis-à-vis des autres. Nous essayons depuis plusieurs années de donner au consommateur ce goût du luxe, en quelque sorte de l’éduquer, bien que je n’aime pas ce mot, de lui faire découvrir la qualité, une histoire, l’émotion en lui apportant une expérience dans ce monde. Nous l’avons fait évoluer depuis ces dernières années. Aujourd’hui le luxe est entré dans la vie du consommateur car il fait partie de sa façon d’être et de vivre

A trois reprises, (en 65, lois anti importations en Syrie, en 75 guerre civile au Liban et en 91 troupes irakiennes au Koweit) la marque Chalhoub doit se refaire. Vous n’avez pas eu peur de devoir encore affronter des turbulences économiques et géopolitiques ?

En fait dans mon cas, je n’ai eu à prendre qu’une seule fois la décision de continuer, ce fut en 90. Oui nous avons eu peur mais nous y avons toujours cru ! Nous connaissions le marché et nous savions que le secteur du luxe allait se développer. Il fait rêver et nous avons tous une aspiration au rêve. Nous nous sommes de fait adaptés et nous continuons. A mes yeux il faut toujours aller plus loin dans nos marchés dans nos produits, nos marques …à la rencontre de nos clients et consommateurs.

Magasin Tanagra

Comment se comporte le marché du luxe au Moyen-Orient ?

Depuis 2 ans, c’est dur. Il y a quatre raisons à cela : Le plus important c’est le changement de clientèle qui a beaucoup rajeuni, c’est un véritable raz-de-marée, avec un pouvoir d’achat accru. Deuxièmement, la baisse du pétrole et la stagnation économique qui en a résulté a affecté nos marchés et beaucoup de nos clients. Puis il y a eu le changement de parité avec le dollar et enfin l’arrivée du digital en force avec une pénétration des smartphones à 100% et des réseaux sociaux, représentant la seule fenêtre sur le monde. Maintenant depuis 2015, il y a stagnation et même une baisse de 2 à 3% /an. Notre groupe quant à lui est resté stable mais nos profits se sont effondrés. Beaucoup sous-estiment l’effet du digital sur le comportement de nos consommateurs. Il faut donc réagir rapidement et s’adapter. C’est l’objectif que nous nous sommes fixés.

Magasin Tryano

Quelle est votre vision du luxe au Moyen Orient ?

Il va falloir avoir une approche plus pertinente de valeur ajoutée et changer notre façon de cibler nos consommateurs. La femme saoudienne qui travaille, a son propre budget et dépense ce qu’elle gagne. Plus la femme est éduquée, plus elle apprécie le luxe et achète pour se faire plaisir. C’est notre cible. Nous avons donc une démarche pédagogique vis-à-vis de nos vendeurs et de nos clients à développer. Car c’est l’échange qui nourrit. A nous de comprendre rapidement une histoire de marque et de la traduire en émotion, comme c’est le cas de Dear India Connexion, avec la communauté indienne autour de notre magasin de chaussures. Autour de cette thématique forte, nous avons créé une mise en scène et une ambiance indiennes, avec des produits exclusifs.

Patrick Chalhoub et Katya Pellegrino

A votre avis, le digital va-t-il à terme remplacer le mall ?

Comme j’ai dépassé cette notion de papier, notre approche est simple : « le client au centre de nos priorités». Nous partons toujours de l’émotion car le plus important reste de toucher, de connecter et d’atteindre le client. Mon challenge : naviguer entre le « on et off line » aussi bien dans la communication que dans la vente. Il est vrai que nous fermerons certains magasins, en ouvrirons d’autres, mais la finalité restera d’être pertinent vis-à-vis du client.

Combien de marques avez-vous maintenant dans votre giron ?

Magasin Wojooh


Nous ne sommes pas des collectionneurs de marque il s’agit de construire des partenariats forts et de pénétrer en profondeur nos marchés.
Novembre 2017
Par Katya PELLEGRINO
http://www.chalhoubgroup.com/fr