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Sommets divins


Il faut environ une bonne dizaine d’heures de voiture pour traverser la Cordillère des Andes de San Pedro de Atacama au Chili jusqu’à Salta, au nord de l’Argentine …Il suffit de se laisser aller sur la fameuse Ruta 40 et de regarder défiler par la fenêtre le film minéral et gigantesque : coups de pinceaux blancs sur le bleu du ciel, roches rouges, cimes cagoulées de neige qui culminent à plus de 6000 m. Après le poste-frontière de Paso de Jama, la route se tord dans les immensités de la Puna, offrant au regard lacs salés aux reflets azuréens, paysages à la Dali, monts pelés par les vents et le froid. L’arrivée à Salinas Grandes (mines de sel) est éblouissante à plus d’un titre. La réverbération est telle qu’il est impossible d’enlever les lunettes de soleil. Sur ce lac salé à la blancheur immaculée, la récolte se fait encore de manière traditionnelle et les travailleurs aux airs fantomatiques fabriquent des objets pour les touristes afin de compléter leurs maigres salaires. Nous repartons à l’assaut des cimes sur la Ruta 52, direction le col de l’Albra Potretillas. Au sommet, la vue grandiose plonge sur 32 km de virages qui se contorsionnent dans la vertigineuse Cuesta de Lipan. Sur le minéral s’est greffé le végétal : demoiselles coiffées, roches multicolores, précipices… Nous sommes en pleine Quebrada de Humahuaca, patrimoine mondial de l’Unesco. Nous quittons le village hors du temps de Purmamarca pour pénétrer dans le haut lieu du tourisme du Noroestre : les vallées Calchaquiès et leurs paysages grandioses hérissés de cactus. Nous achevons cette journée hallucinante près de Salta dans une maison seigneuriale du XIXe siècle : The House of Jasmines, une halte romantique idéale pour se relaxer après la traversée des Andes.



Sommets du vin


Point de mire pour cette nouvelle journée : l’Estancia Colomé au cœur du vignoble argentin. Mais avant de toucher au but, il nous faut gravir le col du Parc National de Los Cardones. Pour y accéder, la Cuesta del Obispo, l’un des cols les plus spectaculaires du Noroestre : une route souvent défoncée aux lacets étroits dans un écrin de verdure drapé d’écharpes de brume. Passé le col de la Piedra del Molino à 3348 m d’altitude, la route traverse des armées de cactus et redescend vers la recta Tin Tin, ligne droite de 18 km qui file jusqu’à Cachi. Nous prenons la direction du Cerro Tin Tin, un amphithéâtre rouge, vert et gris où les strates géologiques ont été sculptées en formations rocheuses. Perdue à 2300 m d’altitude, l’Estancia Colomé et ses 11 chambres,est la plus vieille bodega d’Argentine (1831). L’histoire de son vignoble planté entre 2200 m et 3000 m d’altitude remonte à 150 ans, quand les Malbec et les Cabernet Sauvignon furent importés sur le continent. Avec ses quelque 39 000 hectares de vignes biodynamiques surveillées de près par le Français Thibault Delmotte, œnologue depuis 4 ans à la bodega, l’Estancia Colomé est un lieu à part, loin de toute forme de civilisation et où se mêlent prestige et beauté. Chef d’orchestre de ce havre bacchusien, l’homme d’affaires suisse Donald Hess (leader mondial dans le domaine des vins haut de gamme), tombé amoureux de ce « lieu idéal » protégé par un micro climat. Dans la cave ultra-moderne,  pas moins de 75 cuves pour des blancs et des rouges. En projet, le plus haut vignoble du monde : 12 hectares plantés à 3002m d’altitude ! Cave, gastronomie bio, tennis, piscine, équitation… À cet art de vivre ne manquait que la culture. C’est chose faite avec la dernière folie de Donald Hess : la création d’un musée d’art contemporain, le premier au monde à être entièrement dédié à l’artiste de la lumière James Turrell. Oscar Wilde disait que « les folies sont les seules choses qu’on ne regrette jamais ». À Colomé, les folies sont divines.