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La Peugeot 907 "RR"

Le Mondial de Paris 2004 qui vient de s'achever a consacré, de l'avis général, le succès d'une superbe voiture, la 907, présentée par Peugeot.
Il s'agit d'un "concept car" de coupé Grand Tourisme, de "rêve", selon l'expression même du constructeur, et qui serait mieux nommé, selon nous, 907 "RR"... comme "Rêves et Regrets".
La star du plus grand salon automobile mondial


Au Mondial de Paris il était difficile d'approcher, sur le stand de Peugeot, du podium où tournait lentement sur lui-même le modèle fascinant de la 907. Le public admiratif et respectueux, a ainsi durant les 16 jours du Salon exprimé une sorte de vote silencieux en faveur de cette voiture.
Ce n'est pas anodin quand on sait que ce Mondial de l'automobile de Paris, garde son titre de salon automobile le plus fréquenté au monde au terme de son édition 2004, avec plus de 1,4 million de visiteurs et conserve sa place de premier salon automobile au monde devant Tokyo, Francfort, Genève et Détroit.

Un beau rêve et un vieux regret


Une étonnante, et rare, unanimité s'est faite aussi chez les spécialistes pour souhaiter que ce rêve de voiture devienne réalité. Il suffit de feuilleter les journaux spécialisés et de consulter les nombreux sites Internet consacrés à l'automobile pour s'en convaincre. Pourtant ces connaisseurs chevronnés savent bien qu'un "concept car" n'est jamais commercialisé... La belle 907, baptisée ainsi en référence aux 905 et 906 qui se sont illustrées en course d'endurance au début des années 90, est à la rencontre d'un beau rêve et d'un vieux regret.

Le rêve


Le rêve est celui de Gérard Welter qui depuis 1977 donne son style à Peugeot. A la veille de sa retraite il a réalisé un rêve de "designer" : une GT avec moteur de 500 chevaux à l'avant, transmission aux roues arrière et deux places... dans une carosserie que ne renierait pas Pininfarina. La 907 qui se tourne sans complexe vers Maranello, reste cependant fidèle au style des récentes berlines de la marque.
Le résultat est splendide. Il suffit d'ailleurs d'écouter comment la marque au Lion parle de ce "rêve mécanique" :

"Cette Grand Tourisme "paroxysmique" mais discrète par sa forme sculpturale et racée, luxueuse par le choix des matériaux qui l'habillent est aussi généreusement sportive tant par son style que par la noblesse mécanique qui l'anime./.../Comme à l'époque des grands carrossiers, ce coupé habille un des plus beaux rêves mécaniques offrant une généreuse cylindrée liée à une noble architecture.
...Il s'agit d'un moteur V12 de 6,0 litres (368 kW ou 500 ch) implanté longitudinalement à l'arrière de l'essieu avant ; relié par un petit arbre de transmission il transmet sa puissance à une boîte-pont longitudinale à six rapports située en avant de l'essieu arrière.
- L'empattement de ce coupé GT est de 2,50 m, sa longueur de 4,37 m, sa largeur de 1,88 m, sa hauteur "culmine" à 1,21 m et son habitacle, prévu pour recevoir confortablement deux personnes, est volontairement disposé juste en avant de l'essieu arrière pour dégager ainsi un long capot.
- Le poids, calculé en ordre de marche, est de l'ordre de 1.400 kg.
- La structure est principalement constituée d'une coque en carbone sur laquelle sont fixés les éléments mécaniques comme, par exemple, les quatre demi-trains à double triangles.

Les douze trompettes de "musique mécanique"...


- Aménagée sur le capot, une surface vitrée permet de visualiser les douze trompettes d'admission évocatrices de "musique mécanique".
- Le pavillon et le pare-brise forment une seule pièce entièrement vitrée en continuité avec la lunette arrière. Des ouies latérales sont dessinées sur les ailes avant comme sur les montants de custode et un aileron arrière escamotable intégre le volet de coffre.
Deux sorties latérales d'échappement apparaissent de chaque côté de la voiture qui est équipée de jantes de 18'' chaussées de pneumatiques Michelin de 275/40 à l'avant et 345/35 à l'arrière.
- La carrosserie de ce coupé Grand Tourisme est peinte de couleur gris Molybdène.
- Tout le garnissage intérieur ainsi que les sièges sont recouverts de cuir brun et d'alcantara gris clair avec quelques touches de bois véritable sur l'arceau du volant et sur le pommeau du levier de changement de vitesses.
- Le combiné, bien que numérique, "s'affiche" en analogique et l'écran tactile de la console centrale est relié à un PC (GPS, lecteur MP3, etc.).
Une bagagerie a été développée spécialement pour ce coupé Grand Tourisme.

Le regret


Depuis une quinzaine d'années, l'amélioration des procédés de fabrication a permis la floraison des "concepts cars". La 907 a presque tout d'une voiture de série et il est frustrant de la voir cantonnée au rôle de "concept car". En effet, pour beaucoup de constructeurs les "concept cars" permettent de tester le public et les médias avant d'envisager le lancement, mais ce sont souvent aussi des exercices de style sans avenir.
Or comme le remarquait Jean-Michel Normand dans un article du journal "Le Monde" du 23 septembre 2004 : les contructeurs français "sont inconnus au bataillon des 4x4 et n'existent pratiquement plus sur le marché du luxe, qu'il s'agisse des grandes berlines et des grands coupés sportifs.
Ces absences les maintiennent à l'écart de catégories très rentables dont les effets d'entraînement, en terme d'image et de notoriété, sont tout sauf négligeables."
"Leurs gammes, ajoute-t-il plus loin, sont encore trop lisses et manquent cruellement d'un porte-drapeau.
Un modèle "héroïque" (la DS, née il y a presque cinquante ans, attend toujours une héritière), un coupé à fort tempérament ou plus simplement un petit roadster. Bref, une auto qui fasse un tantinet rêver. A la voiture française, il manque encore quelque chose : un soupçon de piment."
On ne pourrait que regretter qu'une si belle voiture restât à l'état de rêve.

L'attrait du panache


La DS aura-t-elle une héritière ? Elle était contemporaine du France et du Concorde qui ont si fort marqué les esprits en leur temps. Certes ils n'ont pas été "rentables", mais qui ne voit la force et la richesse "des effets d'entraînement, en terme d'image et de notoriété" qu'ils ont suscités ? L'industrie française du luxe, la Haute Couture et ses défilés spectaculaires, les grandes entreprises et leurs actions de plus en plus nombreuses de mécénat ont bien saisi comme le panache peut entraîner loin sur le plan commercial. Il serait dommage que chez le grand constructeur qu'est Peugeot on se limitât à rêver alors même que vient de s'ouvrir son extraordinaire nouveau Centre de Design : l'Automotive Design Network.
Octobre 2004
Par Yves CALMEJANE