Portraits


Jean-Claude Biver, CEO de Hublot : un enfant de l'amour

"Je suis un enfant de l'amour". C'est en ces termes que Jean-Claude Biver, CEO des montres Hublot depuis le 2 mai 2004, se définit. Un caractère bien trempé, de la passion, une énergie sans égale et un habile dosage de charisme et de fermeté, ont fait de cet homme à qui tout réussi, une personnalité incontournable dans l'horlogerie. Avant tout c'est un visionnaire. Tout ce qu'il touche se transforme en succès. Il n'y a qu'à voir la réussite de Blancpain qu'il avait racheté en 1981 à contre-courant des modes et des tendances, remettant au goût du jour la tradition et le savoir-faire horloger. Un parcours sans failles pour un homme pressé, passant d'Omega à Audemars Piguet, Blancpain, le groupe Swatch (qui a racheté Blancpain) puis enfin Hublot. Homme de son temps, il a son forum sur Internet et sait faire le grand écart entre passé et futur, maîtrisant à la perfection son métier. Actuellement aux commandes de Hublot, la marque rachetée par LVMH,  va de succès en succès. Entretien...


Qui est Jean-Claude Biver ?
Je suis un enfant de l'amour, qui a vécu dans un cocon. Sans conteste, cela m'a donné un avantage considérable dans la vie, m'apportant équilibre et structure.
Je suis également un passionné, un homme libre qui ose et qui a confiance en lui. Cette confiance me propulse de l'avant sans avoir peur des risques, que je calcule, bien entendu.
J'ai une âme de leader, inhérent à mon caractère, qui me permet certainement d'aller plus vite que d'autres et d'être très réactif, sachant dire non lorsqu'il le faut.
Grand travailleur devant l'éternel (je travaille au moins 15h/jour depuis 34 ans), mon métier est pour moi un jeu. Ce qui me donne l'avantage considérable de pouvoir "jouer" toute la journée.



Cet engouement de l'horlogerie, d'où le tenez-vous ?
Tout petit, j'étais un passionné des machines à vapeur. Adulte, j'ai retrouvé dans les montres le mécanisme qui me les rappelait (axe, pivot, engrenage...) et du coup, j'ai retrouvé mon jouet de l'enfance. C'est à ce moment là que je me suis dit qu'il serait formidable de travailler dans cet univers, une autre façon de poursuivre mon enfance. Je fabrique donc selon mes passions, mes idées et mes visions. Comme tout enfant qui joue, je suis très attentif aux jeux et donc je "joue" énormément, ce qui implique une capacité de travail plus importante que beaucoup de mes concurrents. C'est un avantage énorme qui me permet d'avoir au moins 6 mois d'avance sur eux.



Vous avez racheté Blancpain, la belle endormie en 1981 avec votre ami Jacques Piguet. Marque que vous avez revendue en 1992 à Nicolas Hayek et au Swatch Group. Quelles ont été les clés du succès de cette marque ?
J'ai voulu recréer l'art horloger tel qu'il existait au 18ème et 19ème siècle en redonnant une naissance à un savoir-faire. Ne perdons pas de vue que la montre est un produit d'héritage, issue de l'imagination de l'homme et non un produit industriel. A contre courant des tendances et des technologies de l'époque (grande période du quartz) j'ai voulu remettre à l'honneur ce patrimoine horloger et retourner aux sources. C'est d'ailleurs à cette même époque, que l'horlogerie traversait une de ces nombreuses crises et de ce fait notre "naissance" a reçu une attention extraordinaire. Mais un succès n'arrive jamais sans la conjoncture de plusieurs facteurs. Le travail en fait partie, mais pas uniquement. C'est tout d'abord l'expressiond'une vision juste, d'un travail acharné, certes et l'aide apportée par toux ceux qui vous font confiance qui m'ont porté vers la réussite. En 10 ans, nous avons ainsi transformé une belle endormie en une marque aboutie.



Quel challenge a représenté Hublot pour vous ?
Mon remariage en 97 et un enfant (un garçon) en 2000 m'ont donné un sacré coup de fouet. J'ai retrouvé mes 35 ans avec l'expérience en plus et déjà à mon actif, deux garçons et deux filles. J'ai voulu rencontrer Carlo Crocco, le fondateur de la marque. Le concept novateur lancé en 1980 m'avait séduit. Cet alliage de caoutchouc, symbole de la technologie et de l'or, emblème des étrusques était totalement inédit. Cela m'a passionné. Entrepreneur dans l'âme, j'ai tout de suite vu le développement de cette marque et les mariages possibles entre les traditions et les prouesses technologiques.



A quoi attribuez-vous ce succès ?
En premier lieu, Hublot représente la fusion du passé et de nos racines avec le futur et les technologies du 21ème siècle. Ensuite, l'objet Big Bang porte en lui le message de cette philosophie. ll y a une cohérence totale entre son message et son aspect visuel. Il répond également à un état d'esprit. Dans le métier depuis 34 ans, j'ai la chance d'être crédité d'une certaine forme de reconnaissance qui facilite l'accueil, extrêmement positif et les ventes. Nous lançons également beaucoup de séries limitées avec plus de 60 modèles, qui nous permettent d'avoir constamment des nouveautés sur ce marché très porteur. Enfin une équipe au très haut niveau, (j'ai une pléiade de stars parmi mon équipe) me facilite grandement la conception et le lancement de nouveaux modèles. Et dernier ingrédient et non des moindres, la chance d'être bien accompagné dans notre communication est un atout considérable.


Quelle est votre vision du luxe ?
Le luxe n'est pas une niche, il se développe de plus en plus et a devant lui une belle croissance grâce au pouvoir d'achat en hausse. A mon avis, le luxe représente une industrie qui fait partie de l'économie de l'homme au même titre que l'industrie automobile.



Quelle est votre définition d'un produit de luxe ?
Pour moi il y en a deux.
Tout d'abord le produit de luxe qui parle del'art de la tradition et de la culture. Avec le savoir faire, la rareté, l'excellence (j'y inclus Blancpain et maintenant Hublot)
Puis le produit de luxe "marketé": j'entends par "marketé" certains produits d'appel lancés par des marques de luxe.



Quelle est la gamme de prix des montres Hublot ?
A partir de 7000 € jusqu'à 1 million.



Pourquoi créez-vous des séries limitées ?
Les séries limitées permettent de fidéliser nos clients en leur proposant constamment des nouveautés.



Votre mot de la fin ?
Reconnaître que certaines défaites sont un pas vers le succès.

Mai 2008
Par Katya PELLEGRINO