Portraits


Pierre Perret 50 ans de chansons et de sourires

Vous paraissez dans une très bonne forme, mais fêtez 50 ans de chansons, faites un nouvel album et une tournée à travers toute la France... comment allez-vous caser tout cela ?
Je vais faire comme auparavant, avec entrain et dynamisme ! Le nouvel album vient de sortir et les chansons me serviront de ponctuations par rapport aux anciennes. Je n'aurais pas aimé chanter uniquement mes anciens succès. En plus, le nouveau disque est bien accueilli et les locations à travers la France marchent très bien, l'Olympia aussi.


Pourquoi ce choix de l'Olympia ?

Cest là que j'ai demarré. J'y ai fait un pacson de Musicoramas avec Europe 1 à l'époque, et c'est la première salle que j'ai bourrée en étant en vedette, en 1967. J'ai gravi vraiment tous les échelons alors qu'aujourd'hui, un gamin a un titre et il fait l'Olympia...


Vous écrivez des chansons qui sont parfaitement ciselées et on pourrait les apprendre à l'école. Cela doit demander un très gros effort, en dehors du talent bien entendu...

Je n'ai pas une production énorme. J'ai fait 360 chansons dans ma vie, tout seul, à la main, comme un homme. J'ai toujours travaillé seul car je n'aurais jamais trouvé quelqu'un d'aussi tordu que moi pour écrire des choses comme je les écris.


On se souvient très bien de vos paroles...

Si vous venez à l'Olympia, vous verrez que toute la salle connait tout par coeur ! On me le dit souvent : "Je ne me doutais pas que je connaissais autant de chansons de vous !". Mes chansons fédèrent autant les vieux croutons que les jeunes!


Est-ce parce que vos textes sont intemporels et que vous parlez peu de l'actualité ?

Je ne fais pas un travail de chansonnier. Je ne vais pas faire une chanson sur le CPE ! Par contre, Lili ou Mélangez-vous, c'est toujours d'actualité, c'est un fait de société en profondeur.


Mais vous faites rire quand même...

Le secret des chansons humoristiques c'est que le doigt est mis sur un problème qui fait mal. Tonton Cristobal, que tous les enfants chantaient à l'époque, c'est sur la famille, l'argent, l'hypocrisie, avec cet oncle qui part comme un galeux et qui revient plein de fric et qu'on embrasse. Même chose pour Cuisse de mouche, Fleur de banlieue où je dis "sa taille est plus mince que la retraite des vieux".
Dans le dernier album, La Petite lnfirmière est sur le même thème. J'utilise l'écriture de la dérision et ce n'est pas facile.


Comment vous est venu cet amour des mots - on vous sait amateur de Léautaud - et ce sens de la dérision ?

Ce sont mes lectures et aussi le grand malheur d'être lucide. Etre lucide, c'est une calamité. Brassens disait : "J'aimerais bien avoir la foi du charbonnier, être à la fois croyant et con comme un panier".  Si on échappe à cette règle et que l'on se pose des questions, c'est un malheur. Mais un auteur qui ne se pose pas de questions n'a rien à dire ! J'ai vite compris qu'il valait mieux s'en poser. C'est ce que je raconte dans mon dernier bouquin (Le Café du Pont, N.D.L.R.), où j'étais à l'écoute de la vie autour du comptoir. J'ai tout vu et tout entendu, et on apprend des choses. Mes dernières chansons sont toujours un témoignage rhétorique du temps que l'on vit et on les apprendra peut-être aussi dans les écoles, dans vingt ans. Je viens d'ailleurs d'inaugurer ma douzième école. C'est unique d'avoir des écoles de son vivant. Brassens et Brel n'ont pas vu les leurs et c'est dommage.


Vous êtes un grand épicurien, gourmand et gourmet, amoureux des bonnes choses, et vous faites aussi la cuisine...

Dès que vous parlez de vin ou de foie gras, on pense que vous bouffez comme un chancre ! Sur scène, je reperds la moitié de ce que j'ai pris dans la semaine, et je marche dans les forêts, je cours au bord des rivières quand je pêche, je nage, je joue au tennis... pour apprécier les bons moments de la vie, comme l'amour, la gastronomie, la nature, etc... Il est inutile de becqueter trois kilos de champignons pour savoir qu'ils sont bons. Pour connaître l'amour, il est inutile de sauter dix nanas par jour, si on s'occupe bien d'une c'est déjà pas mal ! Tout est relatif. Ce qui m'a toujours poussé c'est que la société évolue, mais les problèmes sont toujours les mêmes. Il y a 20 ans, Le Zizi a fait un carton à cause des inhibitions que vous avions par rapport au sexe. Par contre, dans le dernier album, la chanson Le Tabou du sexe, je dis que c'est l'inverse et qu'aujourd'hui, c'est tout et n'importe quoi avec les revendications les plus aberrantes. Si tu n'es pas homo ou échangiste, t'es foutu. Dans le refrain, je dis : "Un homme et une femme ça ne se fait guère plus, mais essayez vous verrez c'est pas mal non plus." Les gens hurlent de rire.


Vous aimez partager votre gourmandise et votre amour des bonnes choses...

Je ne vais pas ouvrir une bouteille de Petrus tout seul ! Aujourd'hui, les fois où j'allume un cigare, c'est qu'il y a un partage entre amis. Avec la vie que je mène, il faut que je choisisse bien mon moment pour fumer.


Qui vous a donné l'envie du cigare ?

Quand j'allais en Suisse pour mes premières tournées, un copain m'a emmené chez Davidoff. Je n'étais pas du tout fumeur et Zino m'a conseillé des cigares de taille modeste. J'avais 23 ou 25 ans. Zino prenait plaisir à vous montrer tous ses trésors, comme Gérard aujourd'hui... Je n'ai jamais fumé le cigare quantitativement. A une époque, j'en fumais une vingtaine par mois, mais moins aujourd'hui car ça tire sur mes cordes vocales.


Vous êtes exclusivement havanes ?

Oh oui! Si on boit peu autant boire bon, pareil pour le cigare. J'aime Bolivar, Romeo y Julieta, Partagas Lusitanias une ou deux fois par an, Montecristo A quatre ou cinq fois dans l'année et Cohiba.


Dans votre livre de recettes, vous parlez des eaux-de-vie et vous rendez d'ailleurs un bel hommage à la collection d'armagnacs de Darroze. Ce sont des alcools que vous aimez boire avec votre cigare ?

Ca va très bien ensemble, comme des vins sur des mets. Un Saint-Emilion va mieux sur des plats en sauce que sur des viandes rôties qui appellent plus les graves, ou un Péssac-Léognan.


Vous allez rééditer ce fameux "Petit Perret gourmand", qui est encore l'un des plus gros succès de livres de recettes ?

On en était à presque 400 000 exemplaires. Je vais revoir les vins que je conseillais à l'époque et que l'on ne trouve plus, et sûrement rajouter quelques recettes.

                                                                                                                 
                                                                                                         


                                                                                                               Cet article est paru dans 
                                                                                                               Club Cigare

Juillet 2007