Portraits


Elsa Zylberstein "La télévision, c'est du prêt-à-porter, le cinéma, de la haute couture."

Elle a de la classe, aime la mode adore le cinéma. Une fois n'est pas coutume, l'actrice aux yeux verts fait une infidélité au Septième art. La voilà à la télévision. Sur France 2, elle campe une grande bourgeoise malheureuse dans Petits meurtres en famille, thriller en costumes 1939 d'après Agatha Christie.
Rendez-vous dans le salon cosy d'un hôtel intimiste, à deux pas des Champs-Elysées, où elle a ses habitudes. Elsa Zylberstein arrive avec trois quarts d'heure de retard. Essoufflée, confuse, rougissante. Elle retire son caban Courrèges bleu pastel et dévoile sa silhouette gracile. Ce jour-là, l'élégante trentenaire la joue cool, en top moulant noir, jeans et Converse. Un café crème plus tard, elle répond aux questions d'Enjoy.

Vous partagez la vedette, avec Robert Hossein, Bruno Todeschini, et Grégori Derangère de "Petits meurtres en famille"* de France 2. Dans ce feuilleton en quatre épisodes, votre personnage, Edith Le Tescou, est une épouse infidèle, une mauvaise mère, une femme frustrée et amère. Etes-vous attirée par les héroïnes tourmentées ?
Ce sont les plus intéressantes à jouer ! Incarner quelqu'un de lisse, quel ennui ! Ce qui m'a séduite dans ce feuilleton télé, c'est la qualité d'écriture du scénario. L'assassinat du patriarche (Robert Hossein) va permettre à chacun de se révéler. Les masques tombent. Sur les quatre épisodes, on voit comment les protagonistes évoluent, membres de la famille et domestiques. Au départ, Edith apparaît froide, superficielle. Mais elle retrouve son amour de jeunesse puis reprend le contrôle de sa vie.

Vous avez tourné cette mini-série au Château de Beaumanoir, dans les Côtes d'Armor. Cette demeure ressort inquiétante à l'écran. Et dans la réalité ?
Je vous le confirme. L'endroit est vraiment lugubre. Ça nous a aidés à entrer tout de suite dans l'histoire. Parfois, j'étais déprimée dans cet endroit.

Il y a plusieurs scènes d'équitation. Saviez-vous monter à cheval ?
Non, j'ai dû apprendre. Ma prof m'a fait partager sa passion du cheval. Elle m'a donné confiance. Cela dit, elle me doublait dans les scènes de galop.

Vous vous faites rare à la télévision. A vos yeux, est-ce un genre mineur par rapport au théâtre et au cinéma ?
Un tournage télévisé va beaucoup plus vite, accorde moins d'importance aux détails. Il y a un peu une désacralisation de l'acteur. Ce n'est pas forcément pour me plaire. Moi, j'aime avoir le temps d'approfondir mon rôle. La télévision, c'est du prêt-à-porter, le cinéma, de la haute couture. Cela dit, il y a de belles productions pour le petit écran. Petits meurtres en famille le prouve.

Au fil de votre carrière, vous avez été dirigée par des metteurs en scène très différents. L'éclectisme est-il votre moteur ?
Oui, c'est excitant de changer d'univers ! J'ai la chance d'être caméléon. Je peux facilement changer de tête, passer d'un registre à l'autre. Maurice Pialat m'a révélée avec Van Gogh. Ce fut un privilège immense de débuter sous sa direction. Puis sont venus Gérard Corbiau (Farinelli ), Martine Dugowson (Mina Tannenbaum ), Raoul Ruiz (Ce jour-là). Je choisis souvent mes films selon le réalisateur. Si demain André Téchiné m'appelle, je fonce !

Vous êtes actuellement à l'affiche du Concile de Pierre de Guillaume Nicloux, d'après le thriller de Jean-Christophe Grangé...
Oh, c'est une participation, un apéritif. L'essentiel de mes scènes était avec Monica Bellucci. J'incarne sa colocataire, un personnage ambigu, qui cache bien son jeu.

Quels sont vos prochains films ?
En janvier, je débute le tournage d'une chronique sociale sur le speed-dating, avec Bruno Putzulu et Jacques Bonnaffé. Exclusif sera réalisé par Jean-Marc Moutout. Puis j'enchaînerai avec Il y a longtemps que je t'aime de l'écrivain Philippe Claudel. Ce sera sa première réalisation. J'y donnerai la réplique à Nicole Garcia. C'est l'histoire de deux sœurs, qui ont vingt-cinq ans d'écart et qui s'étaient perdues de vue.

Vous partagez la vie de l'auteur de théâtre Nicolas Bedos, le fils du comique Guy Bedos. Avez-vous des projets ensemble ?
Oui, il a écrit un scénario pour moi, une comédie merveilleuse, Amoureuse. Il cherche des producteurs et songe à réaliser le film lui-même. Il a aussi signé une nouvelle pièce. Mais ce n'est pas sûr que je joue dedans.

Dans votre parcours, le désir d'être actrice est-il venu tôt ?
Depuis mes 12 ans, je faisais de la danse classique. Et j'étais très douée. A 17 ans, j'ai pensé m'inscrire à une école de dessin. Un jour, mon père, physicien, me dit : "Tu es sûre que tu veux aller vers les arts plastiques ? Parfois, tu dis que tu voudrais être actrice... " L'envie de faire de la comédie était vague dans mon esprit. En plus, j'étais très timide. Par hasard, mon père a rencontré Charlotte Rampling dans un avion. Elle lui a conseillé de m'envoyer au Cours Florent. Et là, ça m'a semblé extraordinaire. Le matin, j'étais à la classe libre, l'après-midi en fac d'anglais. J'ai bossé comme une folle durant trois ans.

Vous dites avoir été timide. N'est-ce pas paradoxal de jouer la comédie ?
Il y a toujours une partie de moi qui reste dans l'ombre. C'est peut-être la petite part de pudeur, de mystère, que je garde, et qui fait que je suis actrice de cinéma. Ce n'est pas antinomique. J'ai été une petite fille modèle et une jeune fille sage, qui cachait ses émotions. Mes parents m'ont beaucoup couvée. Ma crise d'adolescence, je la fais depuis l'âge de 25 ans. A présent, je suis plus excentrique, j'ai moins peur de vivre.

Est-ce que vous vous intéressez à la mode ?
En effet, je trouve que ça fait partie du métier d'actrice. La mode, c'est presque entrer dans un rôle. Si je porte une mini-jupe et des bottines, je me sentirai très différente que si je suis en jeans et baskets, comme aujourd'hui.

Quels sont les créateurs que vous appréciez ?
Yves Saint-Laurent
, Chanel, Prada, Lanvin.

Etes-vous une fashion-victim ?
Pas du tout. J'essaie de trouver mon style à moi. Je pioche, je recycle, je mélange. Arborer un total look, il n'y a rien de pire. Ça fait arbre de Noël ! J'aime le chic classique. Un pull noir ou une chemise blanche, une jupe noire, des bottes. Je suis très "noir et blanc" en l'hiver. Je passe à la couleur, l'été.

Il paraît que vous avez plus de deux cents paires de chaussures...
J'adore les chaussures à talon. Dans ma voiture, j'en ai toujours deux paires pour me changer dans la journée, au cas où. Perchée sur des talons, je me sens plus forte face à un homme.

Quelle est votre dernière folie ?
Je me suis offert l'autre jour à Londres, le Mulberry Emmy (elle montre son sac marron foncé, ndlr). Je l'avais vu sur Kate Moss. Il apporte une touche à la fois roots et élégante.

Est-ce que vous aimez faire du shopping ?
Bien sûr. Quand je ne vais pas bien, je m'achète un caraco en soie Sabbia Rosa ou une blouse blanche Chloé. Plus le désespoir est grand, plus la note sera élevée ! Le shopping, c'est mon remède contre le coup de blues !



Emmanuel Ducasse
Janvier 2007
*Diffusion du quatrième et dernier épisode, le mardi 5 décembre 2006 à 20h50 sur France 2.

                                                                                            Cet article est paru dans ENJOY n°3