Portraits


Pierre Corthay : le bottier du sur mesure

C'est un geste quotidien, banal. Pourtant, pour certains, il est quasi religieux, à la limite du rituel : besoin irraisonné de voir, de choisir, d'humer l'odeur si particulière, de sentir la souplesse de sa peau puis de l'enfiler. Oui, je parle ici de chaussures, mais de chaussures d'exception siglées Pierre Corthay. Un bottier sur mesure, dont le nom circule de collectionneur en collectionneur. Un nom qu'on se chuchote entre gens partageant la même passion. Un club en quelque sorte, dont il faudrait faire partie.

Le soulier, une passion

Pierre Corthay a 16 ans en 79, lorsqu'il décide de rejoindre les Compagnons du Devoir (pierres et charpentes) pour effectuer le fameux "Tour de France". Le voyage initiatique durera six ans.
La passion du soulier, Pierre Corthay la tient certainement de sa tante. Celle-ci sculptait le cuir pour créer des œuvres d'art. Pendant son enfance, le petit Pierre la regardait, fasciné. Attiré par cette matière qui se transforme et évolue sous les doigts, il se tournera naturellement vers le cuir, et durant son compagnonnage, le soulier deviendra une évidence.
"Parmi les divers métiers du cuir, le soulier est sans conteste, le plus riche confirme-t-il. De plus il demande une gamme de cuirs très variée. Pour la semelle, le talon, les coutures jusqu'à la peausserie qui le recouvre et que l'on sculpte à partir d'une bûche de bois".


Rigueur et exigence

Amoureux, il faut l'être pour embrasser un métier d'artisanat, plus particulièrement dans le domaine de la chaussure sur mesure. Mais cela ne suffit pas. Il faut de la créativité, de l'exigence et de la rigueur. Qualités que Pierre Corthay a perfectionnées non seulement pendant son compagnonnage, mais aussi chez John Lobb pendant deux ans, et surtout chez Berluti. Dans cette maison, il a travaillé auprès du chef d'atelier, Jean Bourles, un grand maître, malheureusement décédé en 2005. "J'ai eu la chance de passer un an auprès de cet homme. Intransigeant, perfectionniste, professionnel d'un autre temps, il avait été chef patronnier, modéliste de Roger Vivier et responsable de l'atelier "tige" chez Daliet & Grand. C'était l'un des plus grands bottiers d'après-guerre".


Enfin, son propre atelier

Cinq ans après, en 1990, l'opportunité se présente. Un atelier situé rue Volnay, dans un immeuble ancien est à louer. "J'ai alors sauté sur l'occasion, d'autant plus que j'avais quelques clients fidèles, décidés à me suivre. C'est ainsi que débute une aventure formidable, doublée du plaisir d'avoir à mes côtés mon frère, Christophe, mon cadet de 9 ans qui avait suivi le même parcours que moi".
Un parcours, précise Christophe qui "au-delà du métier que l'on apprend, forge le caractère et donne un certain état d'esprit".
L'atelier minuscule, reste un endroit atypique et intime où le client peut circuler pour voir évoluer sa commande. Car tout le concept réside dans ce rapport de proximité, dans cet esprit d'échange ayant lieu entre le professionnel et le client. "Il faut être à l'écoute du client et décrypter son envie" explique Christophe Corthay.
L'effluve de la cire d'abeille tiède, mêlée à celle de la peau, le bruit du cuir que l'on travaille, toute cette ambiance revêt un aspect presque religieux.
Le fin du fin, le premier modèle fabriqué est ensuite coupé au rasoir et donc inutilisable. Un vrai luxe !


En 2002, la ligne de Prêt-à-porter

Fin 2001, début 2002, suite aux demandes pressantes de clients, Pierre crée une ligne de prêt-à-porter. "Cette ligne devait reprendre les codes Corthay, avec le même souci de fabrication et la même exigence de qualité", précise Pierre.
La fabrication a d'abord lieu en Italie, puis il crée en 2003, sa propre unité de fabrication en France, à Neuilly-Plaisance. C'est le succès immédiat.
Cette petite structure lui permet de s'adapter à la demande et aux attentes de ses clients, en acceptant des commandes spéciales comme ces cuissardes de pantalon...
Exigeant et perfectionniste lui aussi, Christophe s'occupe aujourd'hui de l'atelier et Pierre, de son côté, gère la Manufacture de Neuilly-Plaisance et le développement à l'international. A son actif, déjà trois boutiques au Japon, dont une en nom propre.


Le sur mesure, s'adresse aux esthètes du soulier, aux amoureux inconditionnels, aux collectionneurs, mais la ligne de prêt-à-porter mérite également toute notre attention.
Alors pour les amateurs, plus aucune hésitation. Vous trouverez forcément chaussures à vos pieds !
Juin 2006
Par Katya PELLEGRINO
Pierre Corthay
1 rue Volnay
75002 Paris
T° : 01 42 61 08 89

www.pierre-corthay.com

Délai pour une paire de chaussures sur mesure : 4 à 6 mois
3 lignes possibles : française, italienne et anglaise.
Délai pour du Prêt-à-porter : 15 jours
Durée de vie d'un soulier : à vie
Un soulier se porte deux fois par semaine
Coût : à partir de 2.500 € pour le sur mesure
Coût Prêt-à-porter : de 780 € à 950 € (boots)