Portraits


Aladin Reibel : Aladin aux mille et une vies

"La chasse à l'homme", avec Richard Berry et Aladin Reibel, sort cette semaine sur les écrans : la traque de Mesrine où Aladin Reibel incarne incarne le commissaire Broussard et Richard Berry le célèbre ennemi public des années soixante-dix. C'est l'occasion de constater une fois de plus l'extraordinaire plasticité des bons acteurs et le curieux contraste entre l'acteur et son personnage. Qui est Aladin Reibel ? Un comédien de 45 ans, fait d'un tiers de poésie, d'un tiers de vin, et d'un tiers de peinture... et on peut y ajouter un grand tiers d'amour des autres !
Un amoureux des textes, des mots et des rimes

Quand Aladin Reibel fixe un rendez-vous, c'est forcément dans un bistro et forcément près du Palais-Royal. Quand il arrive en retard avec son chien, Zippo, c'est pour vous dire qu'il doit déjeuner avec un vigneron extraordinaire qui n'était à Paris qu'un seul jour, alors vous comprenez ..."si on pouvait décaler l'entretien ...". L'artiste serait-il œnologue amateur ou comédien reconnu ? Un peu des deux mon capitaine ou plutôt mon commandant, commandant Braumann, personnage du très beau film "Le triporteur de Belleville" qu'incarna, Aladin en 2005 pour la télévision.
Aladin (son vrai prénom si extraordinaire pour un alsacien !) est un enthousiaste du vin, un taureau (son signe zodiacal) tenace et un amoureux des textes, des mots et des rimes.
Ce matin, il est de très bonne humeur. Lors de sa promenade matinale dans les jardins du Palais-Royal, presque "son" jardin, alors qu'il s'apprêtait à ramasser la crotte de son chien, une femme l'a abordé. "C'est bien ce que vous faites. Vous savez que vous jouez très bien". La veille, il passait dans un téléfilm qui a rassemblé 9 millions de téléspectateurs. "C'est une bonne journée qui commence et hop, la crotte dans la poubelle". Un comédien c'est comme ça, un pied dans la fiction, un autre dans la vie.


Du bistro au mélo

Son désir de faire l'acteur ne lui vient pas à son premier vagissement. Né dans un bistro, fils et petit-fils de bistrotier, il traîne derrière le bar, quémandant un regard de sa mère qui "ne pouvait pas m'embrasser parce qu'il y avait toujours une bière à tirer". Alors le petit s'ennuie et ne songe plus qu'à "se tirer." La musique et la fête emplissent ses désirs de jeune homme. Il devient disc-jockey à Strasbourg, puis intègre le Club Méditerranée où il devient G.O à 20 ans. Le voilà en scène, participant aux fameux spectacles où tant d'artistes ont débuté. Il se prend au jeu et l'envie d'investir LA scène lui vient entre deux cocotiers, la piscine et les jolies filles. Il monte même le monologue de L'Avare sous le ciel étoilé devant les G.M bronzés.
Une rencontre va définitivement l'emmener vers sa future carrière. Muté au Sénégal, il croise un soir Virginie Pradal, pensionnaire à la Comédie-Française. Sa façon de parler du métier le marque et six mois plus tard, il lui écrit pour lui demander comment entrer au Conservatoire. Rien ne l'arrête. "Ma décision était prise, je voulais tout faire pour aller dans la direction du jeu". Ne l'ayant pas oublié, elle lui répond, et de retour en France, il met en pratique ses précieux conseils. Il suit alors une formation classique dont il n'oubliera jamais l'enseignement de ceux qui furent ses maîtres pendant trois ans : Yves Pignot et Michel Bouquet et Gérard Desarthe, au Conservatoire. Son amour des textes vient en les travaillant et ne le quitte plus. Mais la musique n'est pas loin, il reprend son premier métier de disc-jockey pour faire les beaux jours de la première des radios libres Fréquence Montparnasse, qui deviendra 95.2, "où les animateurs, Yolaine de la Bigne, Nagui, Robert Nahmias, étaient payés".


La prise de conscience

Le jeune comédien s'engage dans 15 ans de théâtre, de cinéma, de télé. "Dans ce métier la voie n'est pas tracée, on suit les courants". Et puis en 2000, après un téléfilm pour Arte, marquant dans sa carrière, "L'Algérie des Chimères", suivi de six mois sans travailler, il prend conscience qu'il ne lui est plus possible d'être tributaire du désir des metteurs en scène, des castings directors, de dépendre de la mode et des autres. "Ce métier n'a pas de loi, il est aléatoire. On ne peut pas se dire qu'il va nous occuper toute la journée. J'avais envie de créer des choses, des projets". Il va lui falloir 3 ans de gestation pour trouver ses nouvelles orientations. "Je suis un Taureau, je rumine, je gratte le sol... vous savez qu'il faut 7 ans pour faire un jardin".


Le renouveau

Et c'est justement du jardin que viendra le spectacle qu'il crée, produit, tourne à travers la France en compagnie de Catherine Salviat, de la Comédie Française, sise, place duPalais-Royal. Tiens, nous y revoilà. Décidément, Aladin appartient à cet endroit. "Prose Champêtre, Poésie de Jardin", construit autour des textes de tous les auteurs qui ont écrit sur la nature, les arbres, les plantes, les fleurs et les légumes, se jouent depuis 3 ans dans un café, un château, une serre, une cave, un jardi... tous les endroits qui peuvent faire office de salon littéraire. "Ce spectacle, c'est vraiment l'artisanat de notre métier, la création absolue, on fait tout". Les artistes prennent plaisir à installer les décors, arranger les fleurs sur les tables, accueillir les spectateurs, (devrais-je dire, les amis), leur offrir un verre de vin avant de donner une représentation bucolique et légère. "Tout, pour ne pas ennuyer les gens".


Des passions qui me maintiennent en vie

C'est alors qu'il joue ces mots champêtres dans les Caves Legrand, Galerie Vivienne, près du Palais-Royal, que le patron, sûrement convaincu par son goût des plaisirs, de la cuisine, du vin, mais aussi par son admiration pour ceux qui les font, lui propose de programmer un spectacle culturel tous les derniers jeudis du mois. Sur un thème, sont associés, un art, peinture, sculpture, chant, danse, opéra, comédie musicale...à un vigneron. Dans ce cadre historique, pour 10€, on passe une soirée éclairée à la bougie où tous les sens sont sollicités. On déguste, on goûte, on écoute, on voit et l'on ressent un peu de ce qui fait la vie.
L'acteur n'apprécie pas que le goût du vin, il se veut l'ambassadeur des vignerons, "ces alchimistes". Il ne tarit pas d'éloges et n'a pas assez de superlatifs pour parler du vin mais surtout des artistes du vin. "Par le biais du vin, on rencontre des gens magnifiques, j'en vois trois par semaine. Moi je crée dans le détail quand je joue mais ces gens-là créent dans leurs terres. C'est pour ça qu'il est important d'aller les voir, chez eux, à toutes les saisons".


Troisième passion, la peinture

En s'exprimant par la peinture, sa troisième passion, découverte alors qu'il s'ennuyait ferme sur un tournage à La Rochelle, il a pu enfin se servir de ses mains. Il expose dans des endroits décalés, jamais dans des galeries, ce qu'il appelle "mes bords de mer", des objets ramassés sur les plages après les avoir assemblés, collés, peints et nommés. "Les titres doivent être si possible, drôles. Il faut que ce soit ludique".
Toujours le souci d'offrir aux autres, la création, le plaisir et la légèreté, surtout jamais l'ennui.


L'avenir ?

"Je finirais par ouvrir mon lieu autour du vin". Pour lui l'avenir des bars à vin n'est pas dans les verres à 16€ mais dans la qualité et le rapport qualité prix.
L'atavisme aurait-il parlé, la boucle sera-t-elle bouclée ? Aladin fera-t-il comme sa grand-mère qui tenait un café concert en 1933 dans le quartier de La Petite France à Strasbourg ? A parier, il aura un lieu où se mêleront art et vin avec peut-être quelques fleurs et quelques peintures. Un lieu destiné aux gens qu'il aime parce que "sans les humains, il n'y aurait pas de vin, ni d'art".
Juillet 2006
Par Véronique GUICHARD
www.poesie-de-jardin.com

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