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Franck Mesnel, l’ex rugbyman aux commandes d’Eden Park

Un sourire franc, une carrure solide (et pour cause !), Franck Mesnel dégage une espèce de force tranquille. Ex-rugbyman de l’Equipe de France de rugby au Racing Club de France, il est le co-fondateur avec Eric Blanc, depuis novembre 1988, d’Eden Park, une marque de vêtements sportswear chic, au départ collection de maillots rayés, en référence au rugby. Entretien avec Katya Pellegrino.

Un nœud-papillon rose

Sélectionné en Equipe de France, il fut vice-champion du monde et vainqueur du Grand Chelem dans le Tournoi des Cinq Nations 1987, avant de devenir Champion de France en 1990. Il remporte aussi les éditions 1988 ex-æquo avec le Pays de Galles, 1989 et 1993. Son plus beau souvenir, qui fut aussi le début d'une nouvelle aventure (Eden Park), reste la finale de Coupe du Monde de Rugby au Stade Eden Park, à Auckland en Nouvelle Zélande en mai 1987. Une finale que l’équipe perdit dignement et, un déferlement médiatique grâce au port de leur nœud papillon rose en référence à leur mascotte « la panthère rose », qui fut le point de départ du lancement de la collection de maillots de rugby sous le nom d’Eden Park.



Facétieux, impertinent, et sportif dans l’âme, Franck Mesnel, trente ans après, arbore une élégance décontractée, à l’image d’Eden Park. Son passage dans le monde du rugby, lui a laissé une empreinte indélébile. Cohésion d’équipe, respect des règles, rigueur, valeurs de base du rugby, font partie de son style de management pour la marque de vêtements Eden Park, une success story qui ne se dément pas.

Qui se cache derrière le joueur puis le co-fondateur d’Eden Park ?

Je suis né à Neuilly puis, avec ma famille, nous avons déménagé et, comme Tanguy, je suis resté jusqu’à vingt-six ans dans la maison familiale où j’étudiais l’architecture. J’aimais le dessin, le bois mais sans savoir encore si j’en ferais mon métier. A cette époque, j’adorais aussi la voile, tout ce qui touchait au « vent » en fait. J’ai grandi avec un bateau, grâce à mon père, dont je suis très admiratif, et qui m’a fait aimer le sport, notamment la voile, mais aussi l’avion. J’ai appris à piloter grâce à lui. Le vent était et reste toujours mon ami (sourire). A cette époque, je jouais en 3ème division à Saint-Germain-en-Laye et, un ami m’a proposé de venir au Racing. Je me suis alors entraîné intensivement durant deux mois et j’ai été pris. Ce fut le début d’une belle aventure qui m’a conduit où je suis là aujourd’hui. En un an, je joue contre les All Blacks (une équipe mythique néo-zélandaise) à Nantes en 86. M’entraînant 3 soirs par semaine et tous les week-ends je fais un stage de 18 mois à Euro RSCG à la communication, avec Jacques Séguéla et Alain Cayzac. Notre apothéose fut de jouer la finale de la Coupe du Monde de Rugby en Nouvelle Zélande en mai 1987 contre les All Blacks avec notre nœud papillon rose qui était devenu le symbole de notre impertinence, élégance et état d’esprit. Le clin d’œil d’un moment unique et le rose, un rappel à notre mascotte « la panthère rose ».

Est-il vrai que vous avez créé la marque Eden Park à la suite du succès en Nouvelle Zélande de la Coupe du monde de Rugby ?



Oui absolument. La presse nous suivait déjà depuis quelque temps et nous mettait un peu la pression en se demandant à chaque finale ou match ce que nous allions inventer pour nous différencier des équipes contre lesquelles nous jouions. Entre le bonnet phrygien ou basque, les culottes bouffantes de Bombay, et autres facéties de ce genre, nous avons décidé lors d’un dîner, d’arborer un nœud papillon rose qui serait notre marque de fabrique pour affronter la finale du championnat de France de Rugby au Parc des Princes en mai 87. Nous avons perdu mais notre style de jeu et notre façon de nous présenter a créé l’enthousiasme. Puis nous l’avons aussi arboré lors de notre fameux match en Nouvelle Zélande au Stade Eden Park, à Auckland. Et même si nous avons été battus finalement, ce fut pour nous une apothéose, notre tenue a fait le tour des médias. Nous avions créé le buzz !



C’est ainsi que l’idée est née d’exploiter cette médiatisation et d’en faire quelque chose dans la durée. Le nœud papillon rose associé au nom d’Eden Park, - en référence à cette fameuse finale dans ce stade- s’est imposé à nous. C’était le début d’une aventure. De là, j’ai été aidé par une équipe pour définir ce que je voulais faire, pour trouver et définir une stratégie, une gamme pour compléter ce logo, ce produit iconique, qui à lui seul ne suffisait pas. J’ai donc lancé avec Eric Blanc, cette société en novembre 88 et demandé à nos comparses (dont Jean-Baptiste Lafond), s’ils voulaient participer à l’aventure, car nous étions comme les 5 doigts d’une main, un peu l’équivalent du Film « Vincent, François, Paul et les autres » de Claude Sautet. Nous partagions tout : nos fous rires, nos fiestas, nos nanas, nos coups de gueule !

Comment arriviez-vous à gérer le jeu et le travail ?



Durant 8 ans, j’ai un peu fait le grand écart et partagé ma vie en deux, ayant la chance de pouvoir m’occuper de la société durant la journée et de jouer ou de m’entraîner le soir et les week-ends. Avec Eden Park, j’ai voulu créer un ADN très fort d’élégance, de vêtements chics et casual avec les tendances du moment. Je suis également très exigeant quant au choix des tissus et de la qualité des vêtements que nous faisons fabriquer. Par exemple, nous faisons fabriquer nos chemises en Italie et Jean-Claude Vigier (Woolmark) m’a conseillé à l’époque de travailler avec l’un de ses fournisseurs de fibres extra longues. L’élégance et ce « French Flair », devant aller de pair avec la qualité.


Le statut de « star » suite à vos différents succès dans le monde du rugby vous a-t-il gêné ?

Non, car j’ai su garder mon impertinence sans être outrancier, grâce à mon éducation. De surcroît la devise de la ville de Rugby où est né le rugby « obéir pour apprendre à désobéir » me permettait de ne pas franchir certaines lignes (sourires).

Est-il vrai que vous souhaitez donner un style plus Frenchy à Eden Park, qui fête aujourd’hui ses 30 ans, avec cette French Flair qui vous a toujours caractérisé ?



Oui, nous souhaitons franciser notre marque avec notre « French Flair ». Nous avons donc changé le concept, qui devient moins british, moins de bois, et un esprit plus contemporain. Nous couvrons actuellement la zone du Moyen-Orient, avec 25 boutiques et nous cherchons à nous développer en Asie.

Quel est votre style de management ?

Disons de la confiance doublée d’un contrôle et de l’exigence. A mes yeux, plus les « process » sont rigoureux, plus cela laisse le champ libre à la créativité. La connaissance approfondie de son métier doit être parfaite, ce qui permet d’être détendu et de repousser ses limites. C’est exactement la même chose pour le pilotage.

Les valeurs du Rugby vous ont-elles aidées pour manager votre équipe ?



Oui, mon style de management est lié aux valeurs dictées par ce sport de combat, qui édicte ses propres règles. Dans ce sport comme dans le management, les règles doivent être respectées sinon cela ne peut pas marcher. L’esprit d’équipe est primordial comme dans le rugby.

Quelle est votre fonction exacte au sein de l’entreprise ?

Je m’occupe surtout du marketing et de la communication, tout en ayant un œil sur tout. J’essaie toujours d’être dans l’anticipation comme lorsque je pilote un avion !

Pratiquez-vous encore des sports ?

Oui surtout le cycling trois fois par semaine pour m’entretenir.

Votre collection est surtout masculine. Avez-vous envie de la féminiser avec une collection pour femmes ?



Oui, car je pense que l’avenir du rugby passera par le rugby féminin. Les joueuses de rugby à 7 ont un bel avenir devant elles. Nous avons une vraie volonté de créer une collection féminine, ce qui a déjà commencé pour tout vous dire.

Comment définissez-vous Eden Park en 3 mots ?

C’est un style sportswear, casual chic et élégant qui correspond à l’homme français d’aujourd’hui, qui s’y reconnait


Pensez-vous que le monde du rugby puisse être pollué comme celui du foot à l’heure actuelle ?

Oui, car il y a des enjeux énormes et c’est ma vraie hantise. Je me suis toujours dit que j’arrêterais mon entreprise s’il devait y avoir un engagement politique au sens large trop important, du style « si vous faites ceci, il pourra y avoir cela ou si vous ne vous engagez pas à ceci, il sera impossible de… »

Quel est votre regard sur le foot ?

Il y a manipulation de la foule. A mon avis il est simple de redonner de la valeur au foot et apprendre à ne plus tricher. Dans le rugby, c’est l’inverse, on apprend dès le départ à respecter les règles. Si vous ne le faites pas, vous le payez très cher !

Mai 2017
Par Katya PELLEGRINO