Portraits


Chef Jean-François Rouquette au Park Hyatt Vendôme : un Pur plaisir !

"Du plus loin que je me souvienne, j'ai toujours été attiré par la cuisine" ! Un cri du coeur pour Jean-François Rouquette, chef étoilé ( 1*) du "Pur' au Park Hyatt Vendôme, un charmeur au grand coeur. Ses valeurs , travail, volonté, honnêteté transmises par ses parents, ont été un fil rouge lui permettant d'avancer et de ne jamais se poser de question. Sa soif de découverte et de s'exprimer - des moteurs dans sa jeunesse - le guident toujours et l'émotion lui permet d'avancer. Rencontre étoilée avec Luxe Magazine





Dans son enfance il a appris qu'il faut toujours aller de l'avant car la vie c'est comme une corde, si on ne monte pas, on redescend. C'est pourquoi il n'abandonne jamais.
Réservé sans excès, aimant la vie, un sourire franc et chaleureux éclairant son visage, il a su, il y a 10 ans,se démarquer de ses confrères,  en créant un concept basé sur les fleurs (depuis largement repris).
Sa cuisine,attachée au terroir, il la veut "lisible", ancrée dans la terre et surtout liée aux valeurs humaines.

Chef Jean-François Rouquette

Qui se cache derrière le chef Jean-François Rouquette du Park Hyatt Vendôme ?

Avec ma soeur, nous sommes nés à Montlignon, dans le 95, de parents aveyronnais .
Ceux-ci tenaient un petit café restaurant familial où maman était aux fourneaux et préparait une cuisine locale et parfois régionale, issue elle-même de Lorca au Sud de Valence.
Elevé comme un enfant unique, ma soeur ayant quitté la maison lorsque j'avais 10 ans, du plus loin que je me souvienne, j'ai toujours été attiré par la cuisine et à partir de 8/9 ans vers la pâtisserie.
Ma mère me permettait à cette époque de l'aider un peu en coupant les pommes par exemple ou en versant le sucre...

Bon élève dans l'ensemble, mes parents ayant souhaité m'inscrire dans un bon collège ( Notre-Dame de Bury), même si j'étais un peu sauvage et timide j'étais sportif ( handball, football, judo -ceinture marron) et surtout j'ai eu une enfance classique et un peu ennuyeuse , vivant en vase clos. L'été je partais en Corrèze avec ma grand-mère, ce qui me permettait d'aller aux champs, de retrouver ma cousine du même âge et d'être au grand air, ayant besoin d'espace. N'oublions pas qu'à cette époque, je ne connaissais ni la mer ni la montagne, d'où mon envie de partir, ma soif de découvrir et de m'exprimer en dehors du giron familial !
Mes rapports avec mes parents étaient bons et je m'entendais très bien avec mon père, un autodidacte, qui adorait l'histoire et la politique et souvent me racontait l'histoire avec un grand "H"!
Je le respectais car c'était une personne tolérante, qui savait actionner le dialogue.
Je les remercie d'ailleurs de m'avoir transmis des valeurs de travail, d'honnêteté, de volonté, essentielles à mes yeux .

Restaurant Le Pur'


Vous avez dès le départ commencé votre carrière en tant que commis dans de belles adresses : le Crillon, le Petit Riche, le Grand Véfour. Quel était votre objectif premier : devenir cuisinier
ou chef ?

Je voulais simplement devenir cuisinier. Comme j'avais, je pense que ce fut également mon moteur pour avancer et ne jamais m'arrêter.
A 35 ans, je travaillais à la Cantine des Gourmets avec Micheline Coat la propriétaire, qui m'a fait découvrir la salle avec ces mots : " on aime la cuisine à travers l'homme" et il est vrai que je constate depuis cette époque cette vérité toute simple et de bon sens.
Je me rappelle d'ailleurs ma première interview avec Michel Piot du Figaro, - où je savais jouer ma carrière - et du titre de son papier lorsque l'article est paru : " Le Bourdonnais" lance Rouqette" !!!
Suis resté 6 ans, puis j'ai enchaîné au Scribe (2006) durant 2 ans, et demi. Malheureusement je n'ai pas pu exprimer ma créativité comme je le voulais, devant rester dans les rails de mon prédécesseur;
enfin ce fut le Park Hyatt Vendôme, où l'on m'a donné carte blanche !
Là j'ai amené avec moi une partie de mon équipe de la Cantine des Gourmets dont Hervé Laurent maintenant chef au PH de Sao Paulo, ou Archambeau au Park Hyatt de Washington.
J'aime cette notion d'affiliation à la famille.

Comment devient-on chef ?

En étant leader, en ouvrant la voie et en essayant d'aller plus loin et de transmettre ses rêves.
Il faut aussi beaucoup d'exigence vis à vis de soi et des autres.
Je me suis également intéressé à beaucoup d'autres sujets, car la cuisine génère une multitudes d'aspects et de domaines différents (gestion administrative, humaine, achats, prévisions...) qu'il faut savoir gérer.
En un mot, être chef c'est protéger son équipe, porter une grande attention à ses clients et assumer ses erreurs.

Quelle est votre définition de la cuisine ?

A mes yeux, c'est la cuisine des 5 sens , forme de relais de mes voyages, ( Je voyage beaucoup ), c'est ma manière de m'évader, ainsi que la présentation des assiettes , le visuel étant fondamental.
C'est aussi la justesse des cuissons et des assaisonnements.
En finalité (sourire) c'est l'ensemble qui doit faire rêver !

Vous êtes toujours pour la cuisine "terroir" ?

 

Oui. J'ai les deux pieds dans la terre. Je veux rester dans le goût, la cuisine moléculaire étant juste un satellite, une "cerise sur le gâteau". A mes yeux, le plaisir précède la technique.
Je suis dans une cuisine d'auteur, où je reste dans mon élément. Une cuisine sincère, chic, élégante, et raffinée.

Il y a tellement d'autres chefs étoilés ou non. La concurrence est rude dans votre domaine? Comment vous distinguez-vous de vos confrères ?

Ma cuisine est singulière, du simple fait que je n'ai pas de relais comme d'autres confrères connus (Robuchon, Ducasse, Gagneire...)
Ma cuisine est tout sauf du marketing. Elle n'est ni conceptuelle ni minimaliste. C'est un produit sincère qui évoque le voyage.
Je n'ai aucune spécificité, elle est saisonnière et doit créer l'émotion.
Surtout elle est plus féminine qu'une autre, notamment avec ma cuisine de fleurs  !
C'est en regardant mon jardin il y a quelques années, souhaitant me démarquer et créer mon propre style que j'ai eu l'idée d'intégrer des fleurs à mes plats.
Du coup j'apporte aussi de l'esthétique mais pas à tout prix

Comment se renouvelle t'on et est-ce "difficile" ?

Non c'est un" muscle" que l'on doit travailler. Il faut aider sa stimulation avec le voyage, du moins pour moi. Tout m'inspire et parfois l'émotion me permet d'avancer, et ma curiosité de découvrir.


Votre qualité principale ?

Ma pugnacité, je n'abandonne jamais.

Et votre défaut le plus pénalisant ?

Mon caractère difficile. Je suis entier et j'ai parfois un caractère de cochon. Je suis impatient.
J'ai toujours envie d'avancer, car la vie c'est une corde. Il faut toujours monter sinon on redescend !

Quand vous n'êtes pas au fourneau, quelles sont vos passions ?

La musique, je suis un éclectique. J'aime ce qui me touche : rock, soul rock, jazz, le classique ...
J'aime danser, et j'adore le cinéma. Quand j'étais chef de parti chez Taillevent, j'allais parfois voir le même film 5 fois de suite, pour rester connecté avec mes amis . Même si parfois je ne voyais jamais la fin !


Quelle est la différence entre un chef étoilé et un chef non étoilé ?


 
Beaucoup de chefs non étoilés ont beaucoup de talent.
Un chef étoilé, doit non seulement faire une bonne cuisine, mais savoir gérer tout ce qui va autour.
Il est certain qu'avoir une étoile est une valeur qui compte en France et à l'étranger.
L'attribution des étoiles se fait sur des valeurs différentes, non seulement sur l'esprit de la cuisine qui représente une cuisine à la française mais également sur la personnalité du chef.

Etes vous déçu de ne pas avoir eu la 2ème étoile cette année ?

Bien sûr. Car nous la méritions. Nous avons beaucoup travaillé avec la volonté de donner le meilleur ainsi que de transmettre des lettres de noblesse de la cuisine française.
Heureusement nous avons la satisfaction au bout de 8 ans, de voir que le Pure est toujours complet. Sans oublier que Le Pur du Park Hyatt Vendôme fait partie des 60 maisons en Frances avec 4 Toques, au Gault et Millau. N'oublions pas qu'en face nous avons des chefs comme Thierry Marx, Alain Ducasse.. Nous n'avons donc pas à rougir.

Avez vous le projet de vous installer sous votre propre nom comme certain de vos confrères l'ont fait ?

Je travaille avec un groupe qui me fait confiance. J'ai déjà l'âme d'un chef qui travaille pour soi, ayant carte blanche et j'ai toujours travaillé comme si j'étais chez moi. Je m'investis de la même façon, donc aucune velléité de créer autre chose.



Janvier 2014
Par Katya PELLEGRINO