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Histoire d'un diamant : l'"Etoile du Sud" de Cartier

Le nouveau joyau de Cartier, "Star of the South" qui fut présenté à la dernière Biennale des Antiquaires de Paris, au Carrousel du Louvre a une histoire. La voici présentée grâce à des documents de la Maison Cartier.
Dès sa découverte, le diamant passionne les grands minéralogistes

En 1853, au Brésil, une esclave découvre dans une mine située près du fleuve Bagagem, dans la région de Minais Gérais, un diamant brut exceptionnel de 261,24 carats. Cette pierre, remarquable par sa grosseur et sa qualité, lui valut la liberté et une pension à vie.
Dès sa découverte, le diamant passionne les grands minéralogistes tel le français Dufrenoy qui en fera une étude extrêmement détaillée. Achetée par un syndicat de marchands parisiens présidé par Monsieur Halphen, le brut est envoyé à Amsterdam, au Centre de Commerce International du Diamant où sont taillées les plus belles pierres.
Le diamant sera confié à la fameuse Maison Martin E. Coster qui, un an auparavant avait eu l'honneur de retailler pour la cour d'Angleterre le célèbre Koh-l-Noor.
Le roi des Pays-Bas, Guillaume III et son épouse, très impliqués dans le développement de l'industrie du commerce et de la taille des diamants visitent les ateliers et suivent avec intérêt l'évolution de la beauté de la pierre.
Comme pour le Koh-l-Noor, c'est Louis Benjamin Woorzanger qui procède à l'étude de la forme et au calcul des facettes qui permettront de tirer le meilleur parti de cet impressionnant brut de diamant.

L'entrée dans la légende

Après trois mois de travail, c'est un magnifique coussin allongé de plus de 128 carats, à l'eau légèrement rosée qui entre dans la légende.
Baptisé "Étoile du Sud" par ses propriétaires, elle est alors le sixième plus grand diamant taillé du monde. Un tel événement méritait d'être révélé au monde entier.
Dès 1855 l'Étoile du Sud est présentée lord de l'Exposition universelle de Paris où la découvrent Napoléon III et son épouse, la Princesse Eugénie. Puis suivent les expositions de Londres en 1862 et de Paris en 1867. Cette pierre est ensuite achetée auprès de M. Halphen par le célèbre joaillier londonien Edward Dresden pour une somme de deux millions de francs or, (prix comprenant des montures décrites comme "très coûteuses").
C'est vers 1870 que, montée sous forme d'aigrette, l'Étoile du Sud est présentée et acquise par le Gaekwar de Baroda, Khande Rao. Le dessin de l'aigrette ainsi que la gravure représentant le cortège l'accompagnant a été retrouvé grâce à un album offert en 1865 par Joseph Halphen au Roi Guillaume

Le mythe et l'éclat qui l'entourent ont fasciné la Maison Cartier

À l'initiative de Khande Rao, souverain passionné de pierres précieuses et de brillants somptueux et ostentatoires, le diamant Star of the South sera monté sur un somptueux collier de diamants comprenant également le diamant English Dresden, poire blanche pure de 78,53 carats, elle aussi de provenance brésilienne.
Le collier restera dans la collection du gaekwar de Baroda pendant près de 80 ans. Il existe en effet une gravure représentant Mulhar Rao, successeur de Kandhe Rao portant le collier ainsi qu'une photographie du successeur de Mulhar Rao, Sayaji Rao III, alors âgé de 12 ans et portant lui aussi le collier. Celuici, en 1934, confirmera que le diamant existe toujours, monté en collier avec le diamant English Dresden.
Une des dernières traces de cette fabuleuse parure est une magnifique photographie de Cartier Bresson, représentant Sita Devi, la Maharani de Baroda, épouse de Pratapsingh Gaekwar.
Le Star of the South mérite son appellation céleste; le mythe et l'éclat qui l'entourent ont fasciné la Maison Cartier. Le diamant a toujours été renommé pour la pureté de son eau et la vivacité de ses feux.

Une pierre vivante

Le Star of the South est une pierre vivante; une légère teinte rosée apparaît selon la lumière qu'elle reçoit - phénomène de réfraction dû à la cristallisation particulière de la pierre...
Ce diamant, une des plus belles gemmes à la matière sublimement transparente, se transforme alors en une matière animée, pleine de vie.
Un véritable charme se dégage du Star of the South; à la différence des pierres blanches éclatantes, la matière intérieure semble adoucie, presque vaporeuse, émettant un rayonnement intérieur rosé, une coloration à peine perceptible dès que les rayons du soleil la caressent.
Ce diamant exceptionnel, décrit par les prestigieux laboratoires de gemmologie Gubelin comme "important et unique", a été l'objet de nombreuses études tout au long de son histoire.
Sa beauté est d'autant plus troublante qu'elle s'explique par l'histoire même de la formation de la pierre. Toujours soucieuse de protéger et de sublimer toute pierre fabuleuse, la Maison Cartier a récemment acheté le célèbre joyau et lui offrira un nouveau destin de star.
Novembre 2004
Par Yves CALMEJANE