Portraits


Thierry Teyssier, fondateur des « Maisons des Rêves »

Il cite volontiers Gaston Bachelard : « La maison abrite la rêverie, protège le rêveur et permet de rêver en paix ». C’est ainsi, entre autres, que Thierry Teyssier imagine des lieux qui vivent au rythme des envies des hôtes et non l’inverse.

Une idée née chez ce bordelais de naissance, lorsqu’il crée Lever de Rideau, son agence d’événements en 1992, et qu’il cherche des lieux propices pour les mettre en scène.

Comment vous définiriez-vous Thierry Teyssier en 4 adjectifs ?


Hédoniste, rêveur, « out of the box » et artiste.

D’où vous vient cet amour du voyage ?


Je n’ai pas beaucoup voyagé lorsque j’étais enfant. Il y avait donc une vraie envie. Je suis aussi d’une extrême curiosité et j’ai envie d’aller à la découverte de l’autre.

Le rêve semble tenir une part importante dans votre vie. Pourquoi ?

Ce n’est pas tant le rêve, c’est la concrétisation des rêves. Je suis « fasciné » par l’absence de concrétisation des uns et des autres. Assis dans un salon, tout le monde sait refaire le monde, mais dès qu’il s’agit de faire, il n’y a plus personne. C’est beau de rêver mais, il faut oser passer à l’acte et se jeter à l’eau.

Parlez-nous du concept des Maisons des Rêves ?


Le concept est parti d’une idée très simple : les hôteliers sont plus enclins à s’occuper de leur organisation qu’à s’occuper de leurs clients sinon on n’aurait pas tous été confrontés à des histoires …. On arrive tard dans un hôtel et donc on se réveille tard et on a tous un nœud à l’estomac par peur d’avoir manqué le petit-déjeuner ! Parlons plutôt d’hospitalité et de générosité.
J’ai pris une feuille blanche, j’y ai mis toutes les contraintes que je n’aimais pas dans un hôtel et j’ai essayé de trouver des réponses pour prendre soin des clients et créer des moments inoubliables qu’ils vont chérir. Donc, il n’y a pas de clef, pas de bar, pas de salle à manger, pas de restaurant. Il n’y a qu’une équipe qui crée des mises en scène pour vous seul. Jamais au même endroit, jamais dans la même vaisselle, jamais la même recette.

Là où vous êtes, les autres clients ne sont pas. La Maison des Rêves, c’est créer des moments, pas des expériences. Thierry me raconte alors une arrivée dans un hôtel en Asie : après un check in catastrophique, où j’ai dû attendre un temps infini mes bagages, il y avait 14 mots différents de bienvenue dans ma chambre. Et l’un d’entre eux disait : « comme nous prenons soin de votre santé, nous avons nettoyé la télécommande ». Chez nous, le client arrive, sa chambre est prête, il n’y a pas de check in, il la gardera jusqu’à son départ. Et l’on va tout faire pour qu’il se souvienne de son séjour et qu’il vive des heures plus belles que dans ses rêves.

Où sont-elles implantées aujourd’hui ?

Les Maisons des Rêves aujourd’hui se trouvent au Maroc : 2 camps « La Route du Sud » ou un parcours exclusif en 5 étapes longeant les oasis du Sud marocain, et Dar Ahlam aux portes du désert près de Ouarzazate dans la palmeraie de Skoura.
La Maison au Portugal, elle, a été rachetée par un client. Au Brésil, j’attends depuis 7 ans un permis de construire.

Racontez-nous l’histoire des « 700’000 heures » ?


Tout ce que j’ai fait est né il y a 18 ans. Tout seul dans mon coin. Tout le monde en parle aujourd’hui comme si c’était une évidence. Mais, on peut encore aller plus loin.
Quand vous vivez une expérience extraordinaire, vous ne voulez pas la revivre. Vous avez peur d’être déçu, de casser les souvenirs que vous chérissez. En fait, vous aimeriez vivre la même chose, mais ailleurs. Donc pour garder vos repeat guests, c’est beaucoup de temps, d’énergie, d’amour car ils ont envie de revivre la même chose mais pas dans la même culture
Autre chose : les plus belles maisons du monde existent mais elles sont privées et sont fermées une grande partie de l’année.

Alors, je les cherche, c’est ce que j’ai fait au Brésil, en Italie dans Les Pouilles ou au Cambodge. Je n’ai pas créé un hôtel itinérant mais un happening hôtelier. Parfois, un artiste va en résidence quelque part, il s’installe et crée des oeuvres in situ. Moi, je vais m’installer dans un lieu, et à la place d’œuvres, je crée des moments pour mes clients avec ma vaisselle, mon linge, mes équipes et tous les 6 mois, on change et on surprend. 700'000 heures, c’est découvrir un pays, un univers, une culture à travers mes yeux, ma façon de vivre les choses.

Enfin, je ne travaille qu’avec des non professionnels. En Italie, par exemple, c’étaient 50% des jeunes issus du village à côté et 50% des migrants : « apprendre à se connaitre pour mieux vivre et travailler ensemble ». Au Cambodge, avec des ONG et des personnes qui vivent dans la rue. C’est la stratégie du colibri.

Quelle est votre clientèle ?

700'000, c’est un club, une communauté. Nous nous réunissons souvent. Le côté éphémère rend le moment passé encore plus précieux. Des liens invisibles se tissent entre les membres car ils ont tous vécus un moment unique et éphémère.
Le plus jeune membre a 19 ans, le plus âgé 90. Ils sont européens, viennent du Mexique, des USA.

Quelle est votre définition du luxe ?

La liberté et surtout pas des choses que l’on peut acheter.

Le luxe dont vous ne pouvez-vous passer ?

Mon parfum Sycomore de Chanel. Je suis fidèle à la Maison depuis plus de 30 ans.

Votre comble du luxe ?

Le plus simple repas de rue accompagné d’une belle vaisselle devant un panorama fantastique. Les choses les plus simples sont les plus belles.


Hélène FELTIN
Novembre 2018
Janvier 2019
Par Hélène Feltin