Montres & Joaillerie


Manuel Mallen, l’homme aux diamants de culture

Une joaillerie d’un nouveau concept ou presque, a vu naissance avec l’arrivée de la marque Courbet au 7 Place Vendôme. Ses fondateurs Manuel Mallen (ex Poiray) et Marie-Ann Wachtmeister (designer suédoise) provoquent un tsunami parmi les institutions vénérables qui ont pignon sur cette place si célèbre. Face à face avec Katya Pellegrino.


Leur concept basé sur le diamant de laboratoire prône une joaillerie éthique et éco-responsable, proposant des collections de diamant de culture et d’or recyclé, à mille lieues des joyaux vendus ici et à des prix inférieurs de 30% à 40 %. De quoi faire grincer des dents la Place Vendôme ! Leur volonté se résume en 3 mots : Éthique, transparence et traçabilité des matières premières. De quoi remettre en cause les certitudes de ces joailliers, qui il faut le dire, ont déjà commencé à se pencher sur cette tendance éco-responsable. Chopard par exemple, crée des bijoux avec de l’or 100% éthique et Swarovski lance l’Atelier Swarovski en créant des lignes éthiques, 100% diamants de synthèse. Quant à Manuel Mallen, le président de Courbet, il sait de quoi il parle, ayant passé plus de 25 ans au sein de maisons horlogères comme Piaget, Baume et Mercier avant de racheter Poiray puis revendre ses parts.


Parlez-nous de votre parcours...

Né à Montbéliard (non loin de Gustave Courbet), je suis fils unique d’un père entrepreneur dans la téléphonie. Mais j’ai vécu toute ma jeunesse près de Bordeaux. Fan de pelote basque, de tennis et de rugby, durant toute ma jeunesse, le sport m’a habité et m’a permis de rencontrer des personnes d’univers différents que je vois toujours 30 ans après ! L’amitié est vraiment au cœur de ma vie. C’est grâce au tennis que j’ai pu tisser des relations et entrer chez Richemont. En effet, j’ai rencontré le directeur financier de Cartier sur un terrain de tennis (sourire.)Cartier venait de racheter à l’époque Piaget et Baume et Mercier. D’où mon entrée chez Piaget à Genève et la chance de démarrer au début du projet (90/93). Puis direction l’Espagne et ensuite retour en France chez Piaget en 2000. J’organise durant cette époque des matchs de rugby entre Cartier et Baume & Mercier qui rencontrent un franc succès et apportent encore plus de cohésion à l’équipe. Puis Alain Dominique Perrin me place chez Baume et Mercier où je reste jusqu’en 2013. Enfin en avril 2013 je rachète Poiray avec un associé et un fond. Une divergence de point de vue me fera partir en 2017 et me permettra de me concentrer sur mon projet de boutique écologique et éthique autour du diamant de synthèse.

Quel était ce projet?



Il y a 3/4 ans j’ai été amené à aller à Anvers avec un gemmologue pour voir sa réaction devant les diamants de synthèse. Il m’a incité à approfondir cette forme de création. L’idée prend alors naissance de créer une marque axée uniquement sur des diamants de laboratoire, des pierres de couleur et de l’or recyclé, en mettant en exergue deux points forts : écologie et éthique. Je demande alors à ma future associée, Marie-Ann Wachtmeister, une suédoise designer créative et dynamique de travailler à mes côtés. C’est elle qui a déposé le brevet d’interchangeabilité des montres Poiray. Elle-même s’intéresse de près à l’écologie et à l’éthique. En lançant cette marque Courbet, nous souhaitons faire émerger une joaillerie durable, consciente et transparente. Créer des bijoux dans le respect de l’éthique et de l’écologie. Permettre aux clients d'avoir une autre vision de la joaillerie, tout en continuant à les faire rêver et en leur procurant cette émotion qu’inspirent les pierres.

Pourquoi avoir choisi le nom de Courbet ?



Je souhaitais un nom qui évoque la Place Vendôme et il se trouve que le peintre Gustave Courbet, peintre de la femme et de la nature, était communard et en avril 1871, il s’est rendu complice de la destruction de la Colonne Vendôme.

Comment fabrique-t-on ces diamants ?

Il faut savoir que le diamant de synthèse comme le diamant des mines composé uniquement de carbone, se crée en trois, quatre semaines et possède les mêmes caractéristiques qu’un véritable diamant. Seule une expertise par un laboratoire peut déceler la pierre de synthèse de la vraie et vérifier sa structure atomique. Soumis à de hautes températures et pressions, le diamant prend forme, il est ensuite taillé par les mêmes tailleurs qui façonnent le diamant de mine. Ces diamants ont des propriétés de dureté et d’éclat similaires à celles des pierres dites naturelles. Il faut savoir qu’une machine crée 15 à 20 diamants/mois et permet d’avoir un prix de 30 à 40% moins cher qu’un diamant de mine. Aujourd’hui vous avez plus de 10 laboratoires, notamment aux USA, capables de fabriquer des diamants de synthèse comparables aux diamants naturels, avec des qualités chimiques, des indices de réfraction et de pureté équivalents à l’œil à ceux des diamants extraits des mines. Nous ne prenons que les diamants de synthèse au-dessus de VSF (Very Small Inclusions)

Avez-vous des concurrents ?

Oui surtout les américains. Il y a aussi une marque française Innocent Stone qui s’est créée en 2017. Swarovski a également lancé aux USA l’année dernière une collection Diama et Atelier Swarovski.

Quel est votre objectif ?

Faire bouger les lignes tout en créant de beaux produits dans une éthique éco-responsable, dans le respect de l’environnement et de l’écologie.

Quelle est votre gamme de prix ?



Des lignes allant de 350 € à …35 000 € et plus pour permettre à chacune d’être la plus belle pour aller danser ! Notre intention est également de surprendre notre clientèle qui nous commandera des bijoux en ligne

Quelle est votre projection du luxe dans 10 ans ?

J’espère que dans 10 ans, le luxe sera éco-responsable. Car chaque marque doit faire des efforts et a les moyens de s’y mettre. Chopard par exemple a pris les devants en annonçant qu’elle mettait en avant l’origine des matières premières, utilisant l’or éthique labellisé « fair-mined ». Un or extrait selon des codes extrêmement précis et correspondant aux règles en matière de protection de l’environnement et du développement économique et social des communautés minières. La profession travaille également déjà depuis 2003 sur le Processus de Kimberley qui permet d’avoir la traçabilité des diamants bruts qui souvent circulent et finançent les guerres et conflits en Afrique.

Y a-t-il des écoles qui enseignent le luxe que vous connaissez ?

Oui il y en a plusieurs et notamment celle de Sup de Luxe qui propose à ses étudiants une année d’études le soir, ce qui leur permet de travailler la journée. Leur grande plus-value réside dans le nombre d’acteurs du luxe qui viennent dispenser de leur expérience et de leur savoir auprès des étudiants. Une formation concrète et très enrichissante !

De quelle façon allez-vous communiquer ?

Nous nous positionnons comme une « joaillerie de valeurs » avec un « S » et notre base line : « sans le bien, le beau n’est rien ». Notre objectif est aussi d’éduquer les clients en leur faisant prendre conscience des enjeux.

Votre définition du luxe ?

Des « moments » de partage, de rencontres, enfants, famille, amis et de l’émerveillement !

Votre comble du luxe ?

Voyager comme je l’entends tout en étant à de multiples endroits en même temps !

Le luxe dont vous ne sauriez-vous passer ?

Ma liberté. Je me sens libre et j’aime voyager.
Juin 2018
Par Katya PELLEGRINO