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Le voyage à travers l’œil de Didier Rouge-Biscay

A la tête d'Hodié Consulting & Développement, spécialiste du tourisme, du bien-être et de l'Art de Vivre, Didier Rouge-Biscay nous livre sa vision du voyage de luxe entre nouveaux horizons, virtualité et expérience sur-mesure. Rencontre avec Katya Pellegrino.

Qui se cache derrière Didier Rouge-Biscay ?



Français d'origine basque, j'ai étudié aux lycées hôteliers de Thonon-les-Bains et Paris tout en effectuant mes stages obligatoires de six mois au Meurice puis à Chicago, pour le groupe Holiday Inn. En 1981, je rentre chez Accor en tant qu'Assistant Front Office Manager puis Front Office Manager du Novotel Paris Bagnolet (610 chambres). En 1986, je deviens Directeur des Ventes Tourisme pour les 4 Novotel et 5 Mercure gérés par Accor à Paris. Puis, en 1990, je quitte le Groupe pour prendre la Direction commerciale du prestigieux palace Le Bristol, rue du Faubourg Saint-Honoré. De retour chez Accor en 1992, je quitte Paris pour Tahiti où j'exerce en tant que Directeur Commercial Accor Pacifique et m'occupe de la commercialisation de 5 hôtels en Polynésie pour les marchés américains, japonais, australiens et européens. Un an plus tard, je retrouve Paris pour prendre la Direction des ventes internationales de Coralia, l'hôtellerie de loisirs d'Accor.



En 2002, je quitte de nouveau Accor pour retrouver les rives Polynésiennes et préparer l'ouverture du Taha'a Private Island & Spa (Relais & Châteaux) dont je suis le Directeur Général. De retour en France, fin 2004, je crée Hodié Consulting & Développement, une structure indépendante à taille humaine qui sert les intérêts des particuliers, investisseurs et petits groupes d'établissements de Luxe. Grâce à mon réseau et à ma connaissance, mon expertise du tourisme, de l'hôtellerie et des loisirs de luxe (marketing, commercial, opérationnel), j'offre, à travers Hodié, une palette complète de produits connexes à ces métiers et à leur logistique (architecture, design, nouveaux concepts, Spas, relations publiques...) Nous avons par exemple contribué à relancer de célèbres "maisons" à l'image du Couvent des Minimes et de la Maison d'Uzès, et nous continuons à mettre notre expérience au profit de groupes tels que Banyan Tree ou encore TAJ Hotels & Palaces sur les marchés francophones. En 2008, je retrouve au sein d'Eyes2Market Europe, des collègues qui ont fédéré leurs expériences en Allemagne, en Angleterre et à Paris pour devenir la troisième "pièce" de cette association d'expertise avant de finaliser, en 2016, l'addition d'un bureau à Malte et d'un autre à Dubai.



Fort des presque 15 ans au service de ses clients, Eyes2market France aborde le virage technologique en
2018 en lançant le site réservé aux professionnels du tourisme : www.mysecretaddress.fr afin de proposer une panoplie de services qui permettent aux hôteliers de proposer leurs offres et services multiplies via les bases de données constituées historiquement en ciblant les professionnels identifiés en France comme des vendeurs de produits de luxe. Le site est appelé à être traduit en anglais afin de servir les besoins de pays non francophones sur lesquels
Eyes2marketFrance possède aussi de forts ancrages.

Qu’est-ce qui vous a amené à créer votre société et lancer cette nouvelle aventure ?



En 2005, pour compléter 25 ans à développer des expertises larges autour des métiers de l’hôtellerie et du tourisme international mais, en temps qu’entrepreneur indépendant cette fois, j’ai pu constater que les offres de prestations de services liés à l’hôtellerie étaient assez réduites et principalement articulées autour de la représentation commerciale sur les marchés émetteurs et sur le segment loisir principalement. Nous sommes aussi, dans ces années-là, à la croisée des chemins en terme de développement hôtelier haut de gamme en Europe et à l’International, ce qui a prévalu au renouveau « qualitatif » de l’hôtellerie via les diverses chaines hôtelières et la différenciation « produit » vers une hôtellerie « évolutive » et «créative» mais qui n’a pas vraiment encore de standards « différenciant » visibles en ce temps-là ; chacun se cherchant une identité et inventant des superflus autour du mot « luxe » pour légitimer leur existence sur créneau. Pour simplifier, entre les Palaces dits « classiques » et l’hôtellerie de chaîne américaine, l’espace est assez vide dans le luxe au début des années 2000. D'où l’idée d’offrir des services connexes à la commercialisation qui germe dans mon esprit, avec des prestations pensées en fonction de ces besoins nouveaux, mais surtout disponibles « à la carte » et autour de prestations sur-mesure, ce qui nous amène à travailler pour des investisseurs ou hôteliers ayant envie de repositionner leurs établissements voir de produire des services nouveaux comme le Spa ou repenser la Gastronomie . La cuisine du bout du monde fait son entrée grâce à l’explosion des Grands chefs qui reviennent de leurs implantations diverses et variées en Asie ou ailleurs.



En complément de cet aspect « produit » et de son approfondissement segmenté par typologie de clientèle, nombre d’acteurs présents sur le marché ne savent pas ou n’actionnent pas les segments commerciaux intermédiaires, quels qu’ils soient, qui permettent de parfaire le remplissage d’un hôtel entre moyenne et basse saison et que la concurrence sur les marchés et leur volatilité impose. C’est ainsi que certains de nos clients le sont toujours aujourd’hui car toutes ces remises en cause ne sont pas toujours simples à mettre en œuvre par soi-même, sans une vision panoramique des actions à exercer et surtout, la volonté de partager les valeurs d’un fonds de commerce historique, souvent familial et qui fait partie du patrimoine personnel, donc secret.

Quelle est votre vision des voyages ?



C'est une question bien difficile car très diverse et qui mérite un arrêt sur les conséquences que ce développement international a eu sur le comportement des voyageurs et son implication dans l’évolution des habitudes d’achat notamment. Il faudrait en plus, prendre en compte la géopolitique dans cet exercice, pays par pays ou zone par zone, et les facteurs économiques des pays émetteurs au moment où cette modification fondamentale des structures voit le jour partout sur la planète. L’appel d’air créé par la multiplication de l’offre a évidemment engendré des besoins de plus en plus nombreux et de plus en plus fréquents de découvrir de nouveaux horizons et, le tarif aérien « étudié » a été édifiant dans l’accès au produit quel qu’il et où qu’il soit.
De ce fait, le voyage est devenu au même titre que tant d’autres biens, un besoin de consommation courante et son accès, une priorité dans la vie un peu plus stressante chaque jour. Le voyage est devenu un complément à l’ouverture d’esprit grâce à des modes de découvertes multiples que le marketing a su diversifier pour que l’offre mondiale se complète en fonction des envies ou des besoins du moment. L’industrie touristique a tissé sa toile dans un temps record et a engendré la segmentation de l’offre en fonction des ressources, de l’économique au luxe, chaque segment répondant aux besoins des populations qui évoluent vite entre la fin des années 90 à ce jour.



Alors, s’il faut hypothéquer les voyages de demain dans une vision à plus long terme, des femmes et des hommes y réfléchissent déjà pour aller découvrir encore plus loin ce que la terre ne pourra plus offrir pour des raisons climatiques, humaines et d’autres facteurs non connus à ce jour. Un voyage « ailleurs » virtuel ou réel est en cours de préparation. Le développement de moyens nouveaux engendrera surement de nouveaux modes de voyages avec leur lot d’innovations, de comportements humains et leurs conséquences. La virtualité est surement l'un des aspects à regarder de plus près pour répondre au développement humain de la planète et au mouvement des peuples qui en découle.

A votre avis, l’hôtellerie a-t-elle su s’adapter aux changements survenus depuis 10 ans, surtout avec l’avènement des nouvelles technologies ?



Dans ce domaine, il est incontestable qu’internet a offert une plus grande visibilité des différents produits pour les consommateurs à tel point qu’aujourd’hui, la multiplicité de la présence sur la toile finit par rendre de plus en plus confus les critères d’évaluation et la reconnaissance des produits par leur qualité. On peut avoir (ou prétendre avoir) le plus beau site internet possible mais, son isolement sur la toile ou sa non-reconnaissance comme « flagship » ou « must » (sans qu’un marché lui reconnaisse ces lettres de noblesse par divers canaux) ne peut suffire à la seule présence sur internet.
Certes, cet outil a créé une vitrine évolutive en fonction de sa propre activité ou présence sur le net, mais encore faut-il le faire savoir au plus grand nombre et, c’est là que les choses se compliquent car il faut souvent y passer beaucoup de temps et de budget si l’on souhaite éviter les écueils. Aussi, de nouveau, l’écoute, l’analyse que certains professionnels peuvent apporter à l’hôtellerie dans son ensemble permet de valoriser les ressources mises à disposition pour une meilleure utilisation et leur optimisation. Nouvelles technologies, oui, de manière évidente, mais pas sans feuille de route qui doit répondre aux besoins des hôteliers et à leurs objectifs, et non des fabricants de sites. Ceci d'autant plus vrai dans l’univers du luxe qu'un site seul dans un univers concurrentiel ne suffit plus.



C’est un amalgame de compétences multi-segments et d’outils nouveaux qui permet de donner de la substance à un produit en fonction de ses propres besoins. C’est, entre autres, ce que nous essayons de proposer dorénavant avec nos partenaires comme Luxe Magazine, afin de sensibiliser les hôteliers aux divers canaux à mettre en œuvre sous forme de packages aussi variés que possible en fonction des budgets disponibles (visiter pour cela www.mysecretaddress.fr).

Que pensez-vous de l’intelligence artificielle appliquée au domaine de l’hôtellerie et notamment des robots qui remplacent des réceptionnistes par exemple ?



C’est certainement sans compter comme élément essentiel du luxe qu’est l’Homme que l’IA ne pourra, que dans une moindre mesure, remplacer à priori. Le petit rien qui fait toute la différence entre un homme et une machine dans sa capacité à créer, construire une expérience autour de sensations multiples que seul l’homme peut faire passer comme émotions et qui à un certain niveau de produit, ne remplaceront les hommes que pour des tâches très subalternes, l’accueil dans le luxe n’en est pas une, loin de là !

Que manque t’il comme type de services appliqués à l’hôtellerie



De l’intelligence, de la créativité, de l’adaptabilité, de l’innovation, mais tout cela pas « artificiel » ou « virtuel », de la créativité bien réelle afin d’anticiper les besoins des consommateurs à qui l’on se propose de vendre un produit et qui doivent construire des moments inoubliables dans leur vie. Alors tout est permis, la planète regorge encore de merveilles inconnues qu’il faut protéger et rendre rares mais qui doivent faire partie d’un produit composé et vu comme une parenthèse ultime de bonheur à vivre seul, en couple, en famille, pourvu que l’émotion et le service rendu soient omniprésents. La liste des services à imaginer est longue et chacun doit tous les jours se demander comment surprendre son client  !

Quelle est votre définition du luxe ?



Un moment rare de partage dans un site, une destination, un hôtel offrant une expérience unique dans ce lieu et uniquement lié à celui-ci et non reproductible. Le luxe n’est pas nécessairement lié au pouvoir de l’argent, si ce n’est comme moyen de générer ce moment, cet instant, cette expérience, s’il ou elle est loin de nos bases et reste encore à explorer.

Comment voyez-vous l’évolution des voyages dans les 10 ans à venir et notamment dans le domaine du luxe ?



Des lieux dans lesquels on retourne souvent, moins longtemps mais des lieux uniques, à taille humaine justement, ou le service n’a d’égal que la générosité qui doit s’en dégager et où l’argent demandé ne récompense que les valeurs du travail bien fait pour répondre au bonheur de l’hôte. Vaste programme mais la recherche du bonheur ne date pas d'aujourd’hui, n’est-ce pas ?

Que manque t’il à votre avis dans le domaine du luxe appliqué à l’hôtellerie ?

Un savant dosage de tout ce qui vient d’être explicité en quelques mots à travers toutes ces questions et qui, comme dans la gestion d’un hôtel, nécessite un peu de tout, tout le temps et bien dosé, pour un résultat dont le bonheur du client est le seul guide.

Quel est votre comble du luxe ?



M’émerveiller de tout et vivre chaque instant ou moment comme unique, pourvu que sa perception soit généreuse.

Celui dont vous ne sauriez vous passer ?

Continuer de parcourir la planète dans tout ce qu’elle a de plus beau à offrir, ici ou ailleurs ! Et surtout, retourner sans cesse dans les endroits qui vous manquent dès que vous les quittez , où qu’ils soient, en sortant de chez vous ou au bout de la planète !
Je vous parle de Nouvelle Zélande, dans l’île du Sud, quelque part entre l’Abel Tasman Park et le « Milford Sound » qui sont des endroits tellement magiques qu’on a juste envie de ne jamais les quitter tellement la nature, aidée de la préservation de l’homme, a su les sauvegarder encore dans leur version la plus intacte. Vous ai-je donné envie ?
Mars 2018
Par Katya PELLEGRINO