Tendances


Le sport, une solution de santé pour l’entreprise ?

Patrick Mila a un parcours atypique, pour beaucoup, un parcours multidirectionnel : professeur de français, chercheur en psychosociolinguistique et en sémantique, coach sportif et mental à Paris.

Le Sport et l'entreprise



Nous avons vu lors de la chronique précédente, quelques bénéfices que peut apporter le sport aux individus, des bienfaits aussi bien physiques que mentaux. Les entreprises rencontrent des problématiques à ce niveau-là : stress, pression, gestion de l’urgence, souffrances physiques et psychologiques, épuisement professionnel, dépression, absentéisme, arrêts maladie de courte ou de longue durée. La liste est longue. Cela peut aller très loin dans les conséquences sur l’entreprise et sur les professionnels qui la composent : des dirigeants souffrant de la baisse de résultats, des salariés touchés par la cohésion d’équipe, des souffrances dues au mal-être des collègues. Un cercle vicieux s’installe. Est-ce que le sport peut apporter des solutions à ces problèmes ? Est-ce que le sport peut apporter un bien-être d’entreprise ? Selon les recherches et la mise en application grandissante des entreprises, nous pouvons répondre par l’affirmative. Cependant, il est intéressant d’apporter des éléments concrets plus approfondis sur ce qui peut être appliqué.



En résumé, selon les recherches de Pierre et Barth (2010), les propositions d’actions sportives sont perçues comme un soutien moral, un outil indispensable à la réussite professionnelle. Il s’agit d’un moyen de se régénérer. Cela permet de se défouler, de gérer le stress et de se sauver de la dépression. Ces actions permettent une meilleure intégration sociale des salariés, de tisser des liens sociaux, de se découvrir d’un autre point de vue. Du point de vue du dirigeant, outre la réduction des problèmes d’absentéisme qui provoque une réduction des coûts de santé; une fidélisation des salariés aux valeurs, à la culture d’entreprise se produit. Les salariés sont alors plus motivés et satisfaits.



La politique d’entreprise se doit d’évoluer, en réponse à des paradigmes psychologiques qui évoluent. Barbusse écrit : "En outre, le travail et les manières de manager ont évolué. D’une nature plus abstraite, le travail et le management nécessitent de la part des salariés une plus grande autonomie, une plus grande responsabilisation, une plus grande loyauté, un travail d’équipe, une motivation et une concentration de tous les instants". Comme le souligne Michel Crozier dans "L’entreprise à l’écoute (1991)" : "Le temps des adjudants est dépassé" et, on doit dès lors passer dans les entreprises d’une logique de l’obéissance issue de l’organisation taylorienne du travail, à une logique de la responsabilité. Le sport semble, en raison des qualités qui lui sont attribuées, pouvoir faciliter le passage de l’une à l’autre. Il s’agit, dorénavant, dans les entreprises non plus d’imposer les choses, mais d’animer des hommes.
Il ne s’agit plus concernant les salariés, d’une logique de l’autorité mais, d’une efficacité de la motivation interne et une adhésion aux valeurs de l’entreprise. Le sport peut être un moyen de fédérer le groupe dans ce sens.

Quelques témoignages

Thierry, artisan boulanger, pâtissier, Chef d’entreprise, 75012, 50 ans

Pour lui, le sport est un moyen de s’épanouir, d’avoir une autre mentalité, et de lier sa vie professionnelle et personnelle. Il permet de respirer, de s’amuser même si c’est pris au sérieux. La pratique sportive permet de travailler différemment, d’être concentré différemment. Cela fait énormément de bien. Cela permet plus d’efficacité, de tenir plus longtemps, de s’améliorer et d’être plus concentré sur son travail. Il est content d’y retourner après une bonne séance de sport.
Sylvie, propriétaire d'un salon de coiffure, 75015, 40 ans et Virginie, son employée, 54 ans

Au niveau de son management, grâce au sport, Sylvie a gagné en maîtrise de soi et de ses émotions. Une atmosphère plus zen s’est alors installée : "on se défoule au sport alors plus besoin de se défouler sur les autres". Elle relève une meilleure gestion de l’organisation et, le travail est alors plus agréable. Virginie explique qu’elle ressent moins de fatigue, moins de maux corporels, que les énergies sont canalisées et efficaces. Leur dynamisme a grandi et est mieux employé.
Marine, ingénieur en trading électronique, Production Leader en banque, La Défense, 29 ans


Le sport fait partie de son quotidien avec ses équipes, pratique auto-organisée avec ses collègues au sein de son entreprise. Pour elle, le sport renforce la cohésion d’équipe. "Tout le monde s’est tourné vers le sport, certains ont été forcés (conseils de médecins) ou fortement incités (paris entre collègues ou autres)". Cela crée du lien, des discussions sur le sport. Certains sont devenus plus efficaces dans le travail car ils ont découvert leurs capacités, "ils ont compris qu’ils pouvaient se bouger, y compris dans le boulot". Cela a créé une amélioration globale des performances au travail et de la productivité. Elle relève une conséquence organisationnelle : "quand tu fais du sport le matin tôt, ta matinée au travail est alors hyper productive par rapport à avant, les gens sont en forme et réveillés. Par ailleurs, il y a moins de maladie et les collègues sont moins absents que l’année précédente. Il y a également des transformations au niveau des mentalités, certaines personnes osent beaucoup plus dans leur travail, ayant découvert leurs capacités à se dépasser. Elles s’affirment plus qu’avant. D’autres sont moins énervées qu’avant et ne font plus subir leur humeur." Marine rajoute que la pratique du sport s’est propagée sur la deuxième partie du couple de ses collègues. Les cercles sportifs se sont alors élargis, convaincus par les bienfaits du sport.

L’œil du coach sportif et mental

Il existe plusieurs formes d’implications sportives dans les entreprises, classées selon les chercheurs sur un continuum de 4 pôles : Interne, externe, symbolique et pratique.
Le pôle symbolique favorise le message sportif, l’attache de l’entreprise aux valeurs du sport. Les formes sont variées comme le recrutement de sportif de haut niveau, des interventions de conférenciers sportifs ou des sponsorings.
Le pôle pratique favorise la pratique sportive des salariés, installations sportives, pratiques libres auto-organisées sur les pauses déjeuner.
Le pôle interne rassemble l’idée d’une pratique ou d’une symbolique qui ne sort pas des murs de l’entreprise comme des cours de fitness sur vidéo par exemple.
Le pôle externe, au contraire, favorise l’ouverture de l’entreprise d’un point de vue sportif, des stages outdoor, des challenges inter-entreprises ou des financements comité d’entreprise sous forme de coupons sport.
Beaucoup de scenarii existent. Chacun améliore le bien-être de l’entreprise mais il reste une piste assez peu explorée mais qui apporterait une nouvelle dimension à la santé et à la performance d’entreprise : le coaching d’entreprise par le sport.

Concrètement qu’est-ce que cela veut dire ?



L’entreprise peut rencontrer des problèmes de cohésion au sein de ses équipes, des tensions, des problèmes de gestion émotionnelle, de connaissance de l’autre, de confiance en soi, en l’autre, d’estime de soi, de l’autre. Tous ces éléments freinent clairement la performance de l’entreprise parce que chaque individu a tendance à concentrer son énergie sur des éléments parasites. Des pertes de temps sont alors au rendez-vous.
Le coaching d’entreprise peut alors s’avérer bénéfique. Le coach peut analyser les problématiques inter et intra individuelles, favoriser par des activités adaptées de groupe la solidarité, l’entraide, la compréhension de l’autre. Des projets communs peuvent alors porter le groupe vers un épanouissement collectif, course en relais, course à obstacles… Un sentiment de fierté et d’appartenance au groupe apparaît et révèle souvent un renforcement de la cohésion de groupe et de sa mentalité non seulement commune mais aussi individuelle. En effet, en parallèle, une pratique guidée du sport permet à chaque individu de s’épanouir personnellement : perception de soi, confiance, estime... Au fur et à mesure, les réfractaires au sport commencent à s’y intéresser et même si certains demeurent opposés, une grande partie commence la pratique sportive. Il sera alors important de travailler sur l’intégration de ces nouveaux éléments.



Pour optimiser les résultats, il sera nécessaire que le coach soit attentif à trois éléments essentiels :

- la culture de l’entreprise

- le groupe, sa cohésion et l’inter-individualité

- l’individu dans son fonctionnement propre indépendamment des autres

Ainsi, le coaching d’entreprise par le sport pourra renforcer le groupe en vue de croiser les chemins de chacun vers un seul à double sens : la réussite du groupe par la réussite de l’entreprise et la réussite de l’entreprise par la réussite du groupe.
Mars 2017
Sources

PIERRE Julien, BARTH Isabelle (2010), « Un esprit sain dans un corps sain : promouvoir le sport au travail », in Revue Gestion – revue internationale de gestion, numéro thématique « Promouvoir la santé mentale au travail », vol. 35, n°3, pp. 86-94.

BARBUSSE Béatrice (2002), « Sport et entreprise : des logiques convergentes ? », in L’année sociologique, vol. 52, n°2, pp. 391-415.

PIERRE Julien, TRIBOU Gary (2013), « Les événements sportifs comme outils de communication interne en entreprise », in Revue Gestion 2000, n°4/13, juin-juillet.