Portraits


Christian Courtin Pdg de Clarins : globe trotter et homme de cœur

Globe-trotter invétéré, guidé par les voyages et la passion, Christian Courtin, propriétaire avec son frère Olivier de la société de cosmétique Clarins, est un adepte du carpe diem, amateur de bonne chère et amoureux de la vie. Depuis 1974 où il rejoint son père en tant que directeur de l’export, puis devient Président du Conseil de Surveillance du Groupe Clarins en 2008, il n’a eu de cesse de communiquer et de faire connaître la marque maintenant implantée dans plus de 128 pays, représentant un chiffre d’affaires dépassant un milliard d’euros. Homme de cœur, ayant le sens du partage et de la solidarité, Christian Courtin s’implique également dans la protection de la biodiversité et a fait de Clarins une entreprise éco citoyenne. Interview.

En 74 vous entrez dans la société de votre père, Clarins. Ce fut un vrai choix ou une facilité ?
Je me destinais à une carrière scientifique, ayant passé un Bac D, mais j’ai vite réalisé que j’avais quelque talent de communication et de créativité. Je me suis donc tourné vers une prépa HEC puis vers l’ ISG (InstitutSupérieur de Gestion) où j’ai eu la chance d’avoir des professeurs prestigieux devenus « célèbres » comme Laurent Fabius, Dominique Strauss-Kahn ou bien Jean Edern Hallier.
Ce dernier m’a plus particulièrement « nourri », en me faisant changer ma façon de voir et de penser. Pour lui, les mots peuvent signifier tout et leur contraire. J’ai donc appris à creuser derrière les apparences.


Le choix !
A 14 ans, contrairement à beaucoup d’autres, je choisis non pas les vacances ouatées et « people » de St-Tropez, (mon père m’avait laissé le choix : « soit tu vas à St Tropez et tu te le payes, soit tu choisis d’autres destinations et je t’aide ») mais l’Asie et les Etats-Unis. J’ai la chance de découvrir des pays qui me permettront plus tard d’apporter un regard différent et mon expérience de l’export à la société.
A la fin de mes études, n’ayant pas encore trouvé de travail, mon père me propose d’entrer dans la société en attendant de trouver quelque chose.


J’y resterai !
Ce fut donc au départ plus un hasard qu’un choix, et une grande chance ! Travaillant dans une société à structure tubulaire, je pus participer à tout et me former sur le terrain (publicité, soin, laboratoire, conception des produits, ventes…)
Puis, constatant rapidement que la marque Clarins n’était pas bien représentée à l’étranger, je propose à mon père de m’occuper de l’export.
Aujourd’hui, nous sommes dans 128 Pays et le CA, qui à l’époque était de l’ordre d’ 1 million d’euros, est passé à 1 milliard d’euros !

A quoi attribuez-vous le succès jamais démenti de Clarins ?
A mon avis, à notre savoir-faire conjugué à la qualité des ingrédients que nous mettons dans nos produits.
En outre, la proximité de notre clientèle, due à notre institut implanté au cœur de notre siège social, nous a toujours permis de faire tester tous nos produits par nos esthéticiennes qui ont un jugement redoutable et objectif.

Comment expliquez-vous le succès de l’Eau Dynamisante depuis près de 30 ans ?
Cette association de phytothérapie et d’aromathérapie ainsi que son odeur qui laisse un sillage frais, explique en grande partie ce succès je pense.
Entre eau de Cologne et eau de toilette, contenant des huiles essentielles, cette eau a la particularité de ne pas dessécher la peau et de laisser sur elle un léger film lipidique.


La femme tient une place importante chez Clarins ?
Chez Clarins, nous aimons depuis toujours la femme (sourire). Nous lui devons tout d’abord la vie, puis la « richesse », grâce à la fidélité des femmes aux produits et à la marque.
A l’époque, mon père avait embauché une grande partie de femmes et aujourd’hui, sur 8700 personnes, nous avons 7.500 femmes, 22 filiales avec 8 Dirigeantes.

Vous avez récemment embauché Nicolas Formechetti, l’ancien styliste de Lady Gaga, pour reprendre les rênes de la marque Thierry Mugler. Quelle en est la raison, dans la mesure où en 2002/2003 vous aviez arrêté la mode de la marque ?
Tout simplement pour accompagner le parfum.
Thierry Mugler a toujours su féminiser la femme, la rendre sexy et désirable. Tout en respectant sa morphologie, il l’a toujours valorisée par des tenues mettant en valeur sa silhouette.


Et l’homme dans tout cela ?
Nous avons lancé la gamme Clarins Hommes en 2000, un gros succès. Mais les circuits de distribution n’ont pas encore joué complètement leur rôle.
Notre marque est N° 2 en France et dans d’autres pays.
Nous venons également de lancer un produit hydratant pour le corps.


Pour vous quelle est la définition d’un produit de luxe ?
C’est un produit qui vieillit bien et qui dure dans le temps.
Voyez par exemple Chanel N°5, (85 ans), toujours le numéro 1 vendu dans le monde. « J’adore » le N° 3
Quand à Azzaro Hommes, il est toujours là et marche bien.
Pour nous, la qualité paye toujours ! (sourire)
N’oublions pas que 600 Parfums sont lancés chaque année alors qu’à l’époque de « Angel » (90/91) il n’y en avait que 20 !

Les produits Clarins sont-ils chers ?
Non, mais ils sont coûteux à fabriquer. Nous disons toujours que nous mettons le prix dans la fabrication, car nous ne lésinons pas sur la qualité des matières premières.


Comment voyez-vous évoluer les produits cosmétiques à l’ère du XXIème siècle? La publicité promet monts et merveilles, et à l’entendre la femme devrait, grâce aux produits, rajeunir ! Peuvent-ils vraiment aider à enrayer le vieillissement des cellules ?
L’obsession de Clarins depuis sa création, c’est la fermeté. Nous avons toujours travaillé sur l’anti-âge et la fermeté, l’hydratation et la fermeté. Nos produits ciblent donc tous la fermeté.
Cela nous a toujours guidés et reste notre maître-mot.
Nous n’employons jamais le mot de miracle, car il n’y a pas de produit miracle. Par contre, nos produits aident à lutter contre le temps, permettent de reculer les signes du vieillissement de 10 ans. En contrepartie, il est nécessaire d’adopter une bonne hygiène de vie : manger sainement, pratiquer une activité physique et soigner sa peau.
La conjugaison de ces trois paramètres a une action réelle.

Etes-vous pour ou contre la chirurgie esthétique ?
Je suis pour à condition que cela ne soit pas une course contre le temps et ne devienne pas du systématisme.
Une femme doit s’aimer tout d’abord, pour accepter de vieillir, même si elle souhaite combattre les signes du temps.
Ce vieillissement provient de plusieurs facteurs :
Le vieillissement naturel, puis le vieillissement ajouté (pluie, soleil, pollution, stress…), et enfin la génétique (vie saine, hygiène, nutrition…).


Alors, Clarins novateur ?
Oui. Clarins a été la première marque à introduire en 91 dans un produit un ingrédient combattant la pollution par exemple.
En 60 nous avions lancé l’huile Lotus puis l’huile Relaxation, agissant sur le stress.
En 61 nous avions ajouté des filtres UVA dans nos produits.
En 85 Clarins s’est tourné vers le développement durable et le commerce équitable.

Si la femme ne devait avoir que deux produits, quels seraient-ils ?
Une crème de jour et un bon produit pour nettoyer la peau en douceur.

Vous manque-t-il des produits ?
Non, mais il manque des ingrédients.
Je rêve de trouver un filtre solaire végétal.


Vous avez rejoint en 90, « Alp Action », fondée par Saddrudin Aga Khan, créé le prix « Clarins Men Environnement ». D’où vous vient cette fibre environnementale ?
Quand vous travaillez pour les plantes, vous finissez par les respecter et par les aimer. La biodiversité est fascinante et le monde végétal extraordinaire. L’Aga Khan voulait protéger l’éco système. J’ai eu envie de m’engager avec lui.
En 85, je me suis impliqué dans le Commerce équitable, en payant d’abord correctement les petits producteurs ou artisans. Puis en créant des écoles, pour apporter une éducation aux femmes et leur permettre d’avoir accès à la contraception tout en leur évitant de vivre dans la pauvreté (ayant trop de bouches à nourrir.)

Avez-vous d’autres actions ?
Nous soutenons « Solar Impuls » créé par la famille Picard que j’appelle des « savanturiers » ! (rires)
C’est un avion qui fera le tour du monde en 2013 et qui volera de jour et de nuit à l’énergie solaire. Si c’est un succès, cela démontrera que nous pouvons aussi agir pour sauvegarder la planète.


Quand vous regardez par-dessus votre épaule votre parcours, de quoi êtes-vous le plus fier ?
D’avoir maintenu dans la société Clarins l’esprit pionner et le respect de l’autre.
Nous nous remettons toujours en question, ce qui nous permet de réfléchir et ce qui est source de créativité.

Et votre plus grand regret ?
De ne pas avoir assez de temps ! (rire)
J’aimerais avoir plus de temps pour améliorer l’aspect technique.


Janvier 2011
Par Katya PELLEGRINO