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Etes-vous prêt pour le Sport-Chic ?

La basket citadine a tout d'une chaussure de sport, mais s'adapte à la vie quotidienne. Pièce incontournable d'une élégance moderne, elle incarne la tendance sport chic. Alors, en short ou en costume, adoptez la sneaker attitude... D'un côté, il y a les marques de luxe qui voient le culte du corps et les valeurs sportives prendre toute leur signification dans le porte-monnaie des fashion addicts. De l'autre, il y a les marques de sport qui ont conscience qu'elles ne peuvent plus se cantonner à leur seul univers mais doivent rayonner dans la mode et dans le luxe. Dans les deux cas, un fait est clair : le sport est sorti des clubs et des stades pour jouer, sur le bitume, une partie gagnante. Estimé à 29 millions d'euros - secteurs textile et accessoires confondus -, le marché du sport a de quoi séduire...
La fibre sportive

Depuis toujours, les enseignes luxueuses comme Louis Vuitton, Lacoste ou Hermès ont développé une ligne adaptée à une clientèle qui joue au golf, au tennis ou fait de l'équitation... Aujourd'hui, ces pratiques ne sont plus réservées à une élite, mais la sport attitude n'a rien perdu de sa superbe et entretient toujours l'idée d'un certain standing.
"Faire du sport n'est pas une activité simplement physique mais sociale et culturelle, puisque c'est le moment où l'on se réconcilie avec son corps, que l'on se fabrique une silhouette, explique Caroline Sachs, responsable du Lafayette Sport. Porter des chaussures à la fois confortables et à la mode, est un plaisir supplémentaire". L'ouverture de cet espace de 3600 m2 ou du Citadium, qui réunissent les grands noms du sport et de la mode, est la preuve que ce marché n'est pas une niche marketing. Ne vous méprenez pas : les Français ne sont pas tous devenus des athlètes... Les recettes financières proviennent à environ 70 % du concept sport fashion : des chaussures qui bénéficient de la technicité des baskets spécifiques à un sport (running, tennis, voile...), mais dont l'utilisation principale reste la course urbaine. Comprenez, le trajet entre le domicile et la voiture, le restaurant et le bureau et autres obligations et flâneries quotidiennes...


Le sport, c'est chic

"Que l'on jogge en solo dans un parc ou qu'on boive un verre avec des amis, on veut que nos chaussures soient le prolongement et une expression de notre personnalité en toute situation, analyse Jochen Zeitz, directeur monde de Puma. Elles doivent représenter ce que l'on est". Aujourd'hui, la basket citadine, stylisée, innovante performante est à notre génération ce qu'Internet est au télétravail : un must have. Moins rigide et plus informelle que la chaussure de ville, voici bientôt dix ans qu'elle se porte avec un costume/cravate sans jamais paraître has been. Et pour cause... Toutes les marques rivalisent d'ingéniosité pour mettre au point des modèles toujours plus pointus. La frontière entre le sport, le lifestyle et la mode étant de plus en plus floue, les enseignes fusionnent les trois pour satisfaire les besoins. Si les Américains ont été les premiers à adopter le fridaywear les autres jours de la semaine, les labels européens sont désormais à l'avant-garde de cette tendance. Les articles proposés reçoivent un héritage vieux de plusieurs générations : matières légères, finitions élaborées, détails sophistiqués, découpes au laser, micro chevrons dans la semelle, fibres assurant une bonne régulation thermique, propriétés anti-bactériennes... Tout est calculé pour que le pied jouisse d'un confort maximum... et d'un style optimal.


Just show it !

Pour entrer dans le monde très fermé de la mode, les marques de sport font appel à des personnalités sportives, musicales ou artistiques qui leur confèrent une crédibilité. Le montant des transferts est top secret (les marques n'aiment décidément pas parler d'argent !) mais on imagine mal un 50 Cent (pour Reebok) ou un Alexander Mac Queen (pour Puma) s'efforcer pour remporter la médaille du mérite... Parallèlement, le sport chic estampillé "triangle d'or" offre une signature, une garantie de savoir faire, mais aussi des brevets techniques et des textiles novateurs qui valorisent les produits.
"Attention, signale Alain Quemin, sociologue et directeur du DESS"Luxe" à l'université de Marne la Vallée : le luxe doit rester attentif à son positionnement pour ne pas se frelater. Son rapprochement avec le monde du sport signe une rupture avec une longue tradition du luxe à la française pour rejoindre les valeurs de la culture anglo-saxonne". Comprenez : le luxe ne doit pas se noyer dans un trop plein d'arguments techniques au risque de perdre de son pouvoir d'attraction. Nous n'en sommes pas là ! Si le sport est descendu dans la rue, nous n'empruntons pas tous les mêmes chemins. Voici, à travers six exemples, comment sport, mode et chic se conjuguent pour sortir des terrains battus. Victorieux, ça va de soi.


Lacoste : La mémoire collect'or

Quand les héritiers de Lacoste font le ménage, ils découvrent des merveilles. La preuve, cette toute première tennis dessinée par René Lacoste en 1963. Surfant sur la vague du buzz marketing, Lacoste décide de lancer une série limitée de cette basket, en la reprenant de façon identique à l'originale. En France, elle est vendue en exclusivité chez Colette à partir du 1er avril. Autant dire que les aficionados vont se précipiter sur des chaussures qui sont d'ores et déjà des collectors. Pour Lacoste, c'est une occasion unique de toucher une clientèle qui n'achèterait jamais une paire de tennis en toile à 120 euros ! Fabriquée avec les spécificités de l'époque, cette chaussure présente un renfort en caoutchouc à l'avant-pied, une toile exclusive en coton à chevrons, et des oeillets de ventilation. Au total, il existe 1963 paires dans le monde du modèle original baptisé "René Lacoste", de la "René Lacoste W" verte pour célébrer la victoire de Wimbledon en 1925 et en 1928, de la "René Lacoste R", couleur terre battue en honneur aux victoires de Roland Garros en 1925, 1927 et 1929, de la "René Lacoste T", blanche avec des œillets bleu blanc rouge, en hommage aux Mousquetaires vainqueurs de la coupe Davis, en 1927, et de la "René Lacoste B", qui salue les innovations de la marque. 63 paires supplémentaires "René Lacoste Croc" (dont 18 en France au prix de 300 euros) sont un mélange de toile et de crocodile, qui rappelle l'origine du logo. Pour l'occasion, ce dernier sort donc ses plus beaux crocs.


Prada : Le chic anti-conformiste

Il faut avant tout souligner que la marque Prada Sport n'existe pas. En fait, la collection sport est signée Prada entièrement, mais cette ligne est identifiable grâce à une bande rouge, sur laquelle le nom Prada est écrit en blanc. Elle démarre sous la semelle et remonte au niveau du talon, si bien qu'elle est visible lors de la marche. Les baskets de ville ont un look plus dynamique que les chaussures classiques grâce à l'utilisation de matières techniques qui sont utilisées pour tous les modèles sport - tout comme les combinaisons de ski ont un boîtier GPS intégré permettant à une victime d'être repérée en cas d'avalanche ! Les premiers modèles de baskets sont sortis en 1997, pour le lancement de la collection "Linea Rossa". Elles étaient, à l'époque, adaptées à la voile. Muiccia Prada, héritière et créatrice de l'empire Prada, déteste le mot luxe. Selon elle, "il exprime la banalité bourgeoise et le manque de culture. La véritable innovation vient plus de la technologie que des matières ou du dessin". Ses tennis conviennent aussi bien à un look city costume cravate - auquel elles apportent souplesse et modernité - qu'à la pratique d'activités sportives. Bien sûr, il ne s'agit pas de faire du sport de manière intensive avec mais de façon light. Malgré son côté casual, la ligne présente les mêmes critères de qualité et de fabrication que la collection prêt-à-porter, et est fabriquée en Italie. Chaque saison, environ une quinzaine de modèles différents sont présentés et vendus à partir de 200 euros.


Puma : La griffe d'une dream team

Puma mise sur sa collaboration avec des stylistes et designers de renom pour légitimer son positionnement haut de gamme. Philippe Starck signe la "Paris" et la "Court", des modèles épurés, minimalistes, entre chaussons et mocassins high tech. La collection 96 Hours, en collaboration avec Neil Barret, est construite sur l'idée du parcours urbain. Ainsi, la "Slancio" réunit en un seul produit chaussure, chausson et sandale. La ligne Rudolf Dassler Schuhfabrik, dont une partie est dessinée par Alexander Van Slobbe, est une collection sport vintage qui réveille les modèles originaux en leur insufflant fantaisie et détails sophistiqués. Enfin, le thème Oka Surfer, décliné par Yasuhiro Mihara, rappelle le mouvement culturel des années 80 initié par les Japonais en mal de surf. Il se nourrit d'imprimés graphiques et de tons bleu océan. La dernière recrue de cette équipe de choc est Alexander Mac Queen. Il s'illustre dans une collection mixte qui s'inspire de l'anatomie humaine - son propre pied étant moulé dans une semelle en caoutchouc transparent ! Tous ces modèles, vendus entre 150 et 300 euros - contre moins de 100 euros pour une basket classique - ne sont pas distribués dans les magasins Puma mais dans des boutiques sélectives (Monderer, Galeries Lafayette, Printemps). En 2005, Puma a ouvert un concept store "Puma Black Station" à New York, dans le Meatpacking district, pour donner une vitrine exclusive à ses articles créateurs.


Louis Vuitton : L'élégance cool

En signant une collection automne hiver 2006 résolument sport chic - pas un seul costume ne défilait sur le podium ! -, le didactique Marc Jacobs crée une mode à son image : celle d'un éternel adolescent devenu businessman. Le styliste imagine un jeune homme chic prenant du bon temps sur des rivages lointains, qui oscille entre chic jet-set et décontraction casual, si caractéristiques de la mode masculine Louis Vuitton. Il dessine des modèles à la fois city, relax et casual qui se portent volontiers pieds nus. Pour certains souliers, il reprend la tige des chaussures de ville et lui donne un aspect plus sport en rajoutant une semelle de gomme. La tige est très travaillée avec des piqûres et des perforations. En fait, sous des dehors de sneaker, c'est un soulier business traditionnel ! La "Barcelona blanche" (360 euros) est un parfait mixt de cet esprit sport dans un style business. Sa couleur patinée lui confère un look vintage. On trouve le Louis Vuitton écrit en Old English, embossé sur le côté du soulier. La "Sprint beige" (330 euros) très fine et fashion joue le contraste matières et couleurs. La "Sprint evening" en cuir verni noir (330 euros) est le premier sneaker evening de la collection Louis Vuitton. Elle est destinée aux night clubbers qui ne veulent pas sacrifier leur confort au profit du style. Touche glamour, les surpiqûres ainsi que les finitions sont dorées. Enfin, l'hiver prochain, la première basket en toile monogramme LV verra le jour. À quand Murakami pour hommes ?


Reebok : Le culte du sport

Reebok a choisi de renforcer son image autour des valeurs sportives - combativité, dépassement de soi, intégrité, courage - et du culte de la personnalité. La marque met en scène, dans des campagnes publicitaires au slogan très néo Calvin Klein "I am what I am", des peoples partis de rien pour arriver quelque part. Reebok a demandé à la plupart d'entre eux de concevoir leurs propres modèles. Après la basket "Ice Cream" de Farrell Williams, vendue chez Colette, la "The Answer" du basketteur Allen Iverson, le skateur Stevie Williams a détourné des chaussures de skate pour créer des modèles streetwear. Idem pour les stars multimilliardaires du R&B Jay-Z, avec la ligne "S. Carter", et 50 Cent, avec la "G Unit",pour lesquels le logo s'inscrit désormais RBK. 50 Cent est d'ailleurs le héros de "Réussir ou mourir", un film qui raconte l'histoire de sa vie. On le voit enfant rêvant devant une boutique de... Reebok, évidemment ! "En associant le sport et la musique, nous voulons sortir du registre sportif traditionnel et nous éloigner du message basique" signale Nathalie Peron-Lecorps, directrice du marketing France de Reebok. Mais si Reebok fait rêver les kids sur ces héros contemporains, sa politique de prix est adaptée au pouvoir d'achat de ses clients. Tous les modèles dits haut de gamme, "Nacionale Leader", "NPC", "Vanta Stripe Tumbled", "Vanta Apex", "Bentley SE"... ne dépassent pas 85 euros. Il s'agit d'offrir des chaussures au design sobre, qui s'adaptent à n'importe quelle tenue chic décontractée.


Y-3 : L'avenir du sport-swear ?

Il y a dix ans, Yohji Yamamoto faisait défiler ses mannequins en baskets Adidas. En 1998, il demande à la marque le droit de créer une mini ligne qu'il baptise "Yohji Yamamoto pour Adidas". En 2002 Adidas, qui bénéficie d'une bonne notoriété dans le sport mais veut se distinguer dans la mode autrement que par la réédition de ses vintages, signe une joint venture avec le créateur japonais. "Y" signifie Yohji Yamamoto, "3" les trois bandes qui signent la marque Adidas et le trait d'union, le lien fort qui unit les deux marques. Y-3 appartient à la division Sport Style d'Adidas. Le bureau de style, dirigé par Michael Michalsky, est d'ailleurs installé dans le siège social, près de Nuremberg, en Allemagne. Aujourd'hui, Y-3 est très apprécié par le monde de la fashion, mais sa visibilité sur le marché français est faible. Elle est vendue à dose homéopathique chez Colette, dans les deux boutiques Yamamoto et au rayon sport des Galeries Lafayette. Pour une pièce vendue dans l'Hexagone, 40 le sont au Japon. Le rapport est également excellent aux Etats-Unis, en Angleterre et en Asie du sud est. La confidentialité du produit s'explique par le fait que les Français ne sont pas encore prêts à payer 250 euros, en moyenne, pour une chaussure de sport. À ce prix, ils préfèrent investir dans une marque dont le sigle relève de l'univers du luxe. 12 modèles sont néanmoins référencés, l'évolution de la marque tendant vers une ligne de moins en moins sport et de plus en plus ville.



Par Florence Julienne de Sourdis

                                                                                                         
                                                                                                                 

                                                                                                                     Cet article est paru
                                                                                                                     dans Pointure n°6

Mai 2006