A La Une


"Giorgio Morandi et les maîtres anciens"

Avec cette exposition, le Musée Guggenheim Bilbao retrace le vaste parcours d'un des plus grands peintres italiens du XXe siècle. Il met ainsi en perspectives ses natures mortes avec ses principales références dans l’histoire de l’art.

L'artiste et son oeuvre

Nature morte, 1920, Istituzione Bologna Musei/Museo Morandi © Giorgio Morandi, VEGAP, Bilbao, 2019

Né à Bologne, Giorgio Morandi (1890-1964) se consacre à partir de 1920, à l’étude de la réalité de l’objet (bouteilles, vases, boîtes, pots) et du paysage, qu’il ramène à ses formes essentielles. Il traite inlassablement ses sujets de prédilection de mille façons différentes, tout en subtilité, en se concentrant sur les possibilités infinies qu’offre la représentation d’ustensiles ménagers. Sa peinture figurative se distingue du reste de l’art pictural du XXe par une intensité, une beauté et une intemporalité uniques. Inspirées donc des objets quotidiens, les natures mortes de Morandi, extraordinairement personnelles dans leur composition, leur chromatisme et leur lumière, portent à l’extrême le désir de pureté et de toucher, essentiel à l’artiste.

“J’ai senti que seule la compréhension des œuvres les plus vitales que la peinture avait produites au cours des siècles passés, pouvait m’aider à trouver ma voie.” Giorgio Morandi

Nature morte aux fruits, 1927, Fondazione Magnani Rocca, Mamiano di Traversatolo © Giorgio Morandi, VEGAP, Bilbao, 2019

Morandi s'est formé en étudiant la peinture à travers les âges. L'exposition se concentre néanmoins sur ses trois plus grandes sources d'inspiration : la peinture espagnole du XVIIè et la tradition de la nature morte ; les peintres bolonais de la fin du XVIe au début du XVIIIe ; et les natures mortes de l’artiste français du XVIIIe Jean-Baptiste Siméon Chardin. Chaque salle de l'exposition met ainsi en exergue la théâtralité qu'emprunta Morandi aux Espagnols, le naturalisme au Seicento italien, l’intimité et le sens de la composition à Chardin.

L'oeuvre de Morandi vue par Nicole Malincoli

Nature morte, 1956, Fondation Mattioli Rossi, Suisse © Giorgio Morandi, VEGAP, Bilbao, 2019
Nature Morte, 1939, Fondation Mattioli Rossi, Suisse © Giorgio Morandi, VEGAP, Bilbao, 2019
Nature Morte, 1949, Colección Nahmad © Giorgio Morandi, VEGAP, Bilbao, 2019

« Les mots s’approchent en balbutiant devant les tableaux de Morandi, comme par crainte de réduire ou d’emprisonner ce qui tout de suite, saisit, émeut, qui justement laisse sans voix. S’il faut pourtant se risquer à dire, on pourrait avancer que c’est peut-être du silence lui-même, enfoui au coeur de ces vases, fioles, bouteilles et de ces paysages, comme si le peintre, après avoir lentement disposé les vases, les fioles et les bouteilles sur la table de l’atelier, les avoir quelque fois écartés un tant soit peu, quelquefois remis en place, d’autres fois orientés vers plus de lumière, ou après avoir longuement regardé de la fenêtre et dans ses promenades les routes blanches, les collines, les arbres et maisons de Grizzana, s’était laissé atteindre, imprégner par autre chose que la simple apparence, plus au coeur, plus insaisissable, et que cela avait habité sa peinture au point que les vases, les fioles, les bouteilles, les paysages étaient devenus autre chose que leur ordinaire, et que devant eux, il n’y avait plus de mots, à cause de l’ordinaire qui est perdu. Mais d’abord il y a la couleur ; il se pourrait même que ce soit elle qui, en premier lieu, donne l’émotion. Elle seule crée ces objets du quotidien, leurs formes sans contour et ces vides entre les formes. Elle les tient ensemble par ces tons délicats, familiers l’un de l’autre, pourrait-on dire, comme si le peintre n’avait travaillé qu’à l’intérieur d’une même couleur : de sable, de poussière, d’aube naissante. C’est elle aussi qui les sépare, rien que par ces ténues variations, ces degrés de clair sans contrastes où l’ombre n’est que rarement portée mais comme fondue dans la lumière, où la lumière, ainsi, demeure, mais comme en deçà de l’éclat, comme de l’intérieur, laissant affleurer la vie de ces objets ordinaires, leur indicible présence. Et nous voilà devant eux, silencieux."

Par Sarah Sergent
Mai 2019
Par Natacha Pavol
www.guggenheim-bilbao.es
Jusqu'au 6 octobre 2019